Tiers monde

Carte décrivant sommairement la chronologie de l'accès à l'indépendance, et les phases du processus de décolonisation.

L'expression tiers monde, ou tiers-monde, lancée en 1952, se rapporte à l'ensemble des pays africains, asiatiques, océaniens ou du continent américain en carence de développement. Ce terme est considéré comme obsolète par certains, au profit de celui de pays les moins avancés (PMA).

Les termes premier monde, second monde et tiers monde ont été employés pour regrouper les nations de la Terre en trois grandes catégories. Ces trois termes ne sont pas apparus simultanément. Après la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN et le Pacte de Varsovie ont été considérés comme les deux grands blocs. Le nombre de pays faisant partie de ces deux blocs n’étant pas fixé de manière précise, on s’est finalement aperçu qu’un grand nombre de pays ne rentraient dans aucune de ces deux catégories.

En 1952, le démographe français Alfred Sauvy et le sociologue Georges Balandier inventent le terme « tiers monde » pour désigner ces pays. La fameuse expression « Tiers Monde », est initialement publiée dans un article dans L'Obs écrit en 1952 par Sauvy : « Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc. oubliant trop souvent qu'il en existe un troisième, le plus important C'est l'ensemble de ceux que l'on appelle les pays sous-développés . Ce Tiers Monde ignoré, exploité, méprisé veut, lui aussi, être quelque chose ». L'expression « le tiers monde », du fait de son caractère générique ne doit toutefois pas occulter les spécificités historiques et le contexte socio-politique de chacun des pays censés y correspondre.

Définitions

L'indice de développement humain de l'ONU, ici en 2008, est un index quantitatif utilisé par certains pour décrire approximativement le tiers monde.

Le tiers-monde décrit la réalité complexe, transitoire et chaotique s'inscrivant dans le décalage croissant qui nait entre monde traditionnel et monde moderne à partir de la révolution industrielle (qui débute en Angleterre vers la fin du XVIIIe siècle). On remarque cependant qu'à cette époque, si en Amazonie, et dans certaines régions d'Afrique, et d'Asie, les hommes vivent dans un âge proche de l’âge de la pierre taillée, d’autres en Chine et en Inde se trouvent à un niveau de vie supérieur à celui de l’Angleterre du XVIIIe – XIXe siècle. L’historien Christopher Alan Bayly l’a éminemment montré dans son ouvrage La Naissance du monde moderne.

L'idéologie anti-tiers-mondiste insiste sur le fait qu'il s'agit d'une réalité très hétérogène, et conclut à l'existence de « plusieurs » tiers mondes. Cela en fonction des perspectives envisagées.

Dans l'inégalité économique, l'expression correspond à l'ensemble des pays pauvres, soit les pays les moins avancés et les pays en développement. Dans cet esprit, le quart monde (proposé par Joseph Wresinski en 1969) fait référence à cette couche de population la plus défavorisée, ne disposant pas des mêmes droits que les autres, et existant dans tous les pays, qu'ils soient riches ou pauvres.

Dans les rapports nord-sud avec « des Suds » faisant face à « un Nord » plutôt occidental et compris comme « développé », l'expression fait alors référence à des « pays dépendants du monde capitaliste », ou des « pays appauvris et surexploités ». Ils « ont le trait commun de n'avoir pas ou peu connu, pour des raisons diverses, la révolution industrielle au XIXe siècle », ou la prospérité qui a suivi la Renaissance en Europe, et favorisé la colonisation ou la domination des autres territoires. On notera également que cette vision doit être réactualisée avec l'apparition des pays émergents et des nouveaux pays industrialisés, ainsi que des organisations ou des regroupements à caractère économique et/ou politique (comme les pays pétroliers).

Dans la géopolitique comme Georges Balandier (en 1956), l'expression désigne « la revendication des tierces nations qui veulent s'inscrire dans l'Histoire ». À la suite de la décolonisation et de la Conférence de Bandung, certains de ces pays se sont regroupés au sein de l'organisation internationale du mouvement des non alignés.

Terminologie

Le monde au début de la guerre froide, en 1959. Le monde à la fin de la guerre froide, en 1980, polarisé entre les deux superpuissances. Les autres États sont les non alignés.

L'expression « tiers monde » apparait, comme une formule, dans la chute d'une chronique de l'économiste et démographe français Alfred Sauvy en 1952, en référence au tiers état de l'Ancien Régime français dont parlait l'abbé Sieyès dans son pamphlet.

« Car enfin ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi, être quelque chose. »

— « Trois mondes, une planète », L'Observateur, 14 août 1952.

L'auteur de l'expression la désavoue cependant en 1988 dans un article du Monde : « Que l'on permette au créateur de l'expression tiers-monde, il y a déjà près de quarante ans, de la répudier, tant elle fait oublier la diversité croissante des cas. Englober dans le même terme les pays d'Afrique noire et « les quatre dragons » ne peut mener bien loin. »

Le terme est à nouveau très discuté après sa reprise par Georges Balandier en 1956, dans leur publication à l'INED (voir en bibliographie). Il désigne les pays du globe considérés alors comme « sous-développés ».

On interprète dès le début leur proposition, à tort (Balandier, 2003), comme le regroupement des pays n'appartenant ni au bloc occidental (Amérique du Nord, Europe de l'Ouest, Japon, Israël, Australie…), ni au bloc communiste (URSS, Chine, Europe de l'Est…). La chute du mur de Berlin et la dislocation de l'Union soviétique ont de toute façon rendu ce caractère obsolète.

En 2003, dans sa réponse à une question de Jean-Marc Biais « Peut-on encore parler de « tiers-monde », mot que vous avez inventé, en 1956, avec Alfred Sauvy ? », Balandier maintient son terme :

« Cette expression a connu un succès planétaire. Mais, souvent, elle a suscité des malentendus. Pour nous, il ne s'agissait pas de définir un troisième ensemble de nations, à côté des deux blocs (capitaliste et soviétique) en guerre froide. Non, c'était une référence au tiers état de l'Ancien Régime, cette partie de la société qui refusait de « n'être rien », selon le pamphlet de l'abbé Sieyès. Cette notion désigne donc la revendication des tierces nations qui veulent s'inscrire dans l'Histoire. Après une longue éclipse, l'initiative est reprise aujourd'hui par quelques pays en cours de modernisation : le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud. Lors de la récente conférence de Cancun, ils ont affirmé une forte identité face aux puissances occidentales. N'est-ce pas le début d'une renaissance du tiers-monde ? »

Cependant, dans le cadre des sciences géographiques, démographiques, sociales ou économiques, l'expression « Tiers-Monde » est désuète depuis 1997 : on parle de pays les moins avancés (PMA).

Débats actuels

Les grandes alliances militaires Inégalité des revenus au sein des pays, mesuré parle coefficient de Gini (Rapport sur le développement humain 2008/2009).

Certains hommes et femmes politiques et économistes s'interrogent sur « la fin du tiers monde » dans la perspective d'un monde multipolaire où la pauvreté serait « combattue » (Robert Zoellick).

Effectivement, l'expression tiers monde est de plus en plus rarement utilisée en économie (voir la typologie économique des pays), bien que l'on parle toujours de la dette du tiers monde. Cependant, son usage perdure dans divers contextes (politiques, historiques, anthropologiques, sociologiques, idéologiques), mais y est critiquée comme étant, alternativement, idéaliste, révolutionnaire ou néo-impérialiste.

Conférences internationales

Article détaillé : Conférences internationales durant la guerre froide#Conférences du mouvement des non alignés. Article détaillé : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement.

Plusieurs réunions, dont certaines sont dites « Sommets du mouvement des non alignés » ou d'autres « Conférences Tricontinentales », ont parfois réuni ces pays autour d'une politique commune :

Agriculture

Article détaillé : Révolution verte.

L'agriculture est, dans les pays du tiers-monde, un facteur économique primordial.

Bibliographie

Sur le tiers monde

Sur l'origine du terme

Sur les tiers-mondistes

Notes et références

Notes

  1. Le Petit Larousse illustré 1991, p. 964, écrit « tiers-monde ». Le Petit Robert 2004, p. 2613, écrit « tiers-monde », mais cite un auteur qui écrit « Tiers-Monde ». Le Petit Robert 2014 écrit aussi « tiers-monde ». Le TLFi écrit « tiers monde » et « tiers-monde » , mais cite un auteur qui écrit « Tiers Monde ».

Références

  1. Par le démographe et économiste français Alfred Sauvy dans l'article Trois mondes, une planète, de L'Observateur, n°118, 14 août 1952, p. 14.
  2. Le tiers-monde en quête d'identité.
  3. Guy Gosselin et Marcel Fillion, Régimes politiques et Sociétés dans le monde, Québec, Presses Université Laval, 11 mai 2007, 388 p. (ISBN 978-2-7637-8291-1, lire en ligne), p. 314
  4. « Georges Balandier (1920-2016) », sur dossiers-bibliotheque.sciencespo.fr (consulté le 12 décembre 2023)
  5. Sauvy 1952
  6. « Tiers-mondisme et anti-tiers-mondisme. Table ronde », Revue internationale d’action communautaire, no 18,‎ 1987, p. 175–185 (DOI 10.7202/1034277ar).
  7. Sophie Bessis, « Les nouveaux enjeux et les nouveaux acteurs des débats internationaux dans les années 90 », Tiers-Monde, Paris, no 151,‎ 1997, p. 659-675, part. p. 666 (lire en ligne). Voir aussi John M. Hobson 2004 en bibliographie.
  8. Gwenaëlle Dekegeleer, Régions pauvres : les mots pour le dire, site de l'Institut des hautes études des communications sociales (Bruxelles).
  9. Denis Horman, cité dans Ibid.
  10. Voir Jean-Jacques Friboulet, env. 1994.
  11. L'Express du 9 octobre 2003, cité plus bas. Voir aussi, Georges Balandier, « Images, images, images », Cahiers internationaux de sociologie, no 82,‎ janvier-juin 1987, p. 7-22 (lire en ligne) : « L'expression « société de communication » est une forme presque pléonastique. Toutes les sociétés, de tout temps, sont des espaces de communication, d'information et de communication ; c'est, avec la double production matérielle et symbolique, ce qui caractérise leur mode d'exister et leur inscription dans l'histoire. »
  12. L'Express du 9 octobre 2003 à l'occasion des Rendez-vous de l'Histoire - Blois, 16 au 19 octobre 2003.
  13. (en) Africa-Union : Peace and Security Council.
  14. Le président de la Banque mondiale Robert Zoellick (La fin du tiers monde ? Moderniser le multilatéralisme pour un monde multipolaire, 14 avril 2010) ne constate pas cette fin, mais l'appelle à ses vœux :
    « L’heure est venue d’abandonner les notions désuètes de pays développés et de tiers monde, de leaders et de suiveurs et de donateurs et de demandeurs. Nous devons soutenir l’émergence de nouveaux pôles de croissance qui profitent à tous. »
  15. Voir, par exemple, Patrick Sevaistre, Vers la fin du « Tiers Monde » ?, 28 avril 2010.
  16. Voir aussi chez certains économiste libéraux, comme dans le provoquant texte de Peter Thomas Bauer (trad. Raoul Audouin), Mirage égalitaire et Tiers Monde , Paris, PUF, 1984 (1re éd. 1981) (ISBN 978-2-13-038201-0).
  17. Voir John M. Hobson 2004.
  18. Voir René Gallissot 2005.
  19. Voir Maxime Szczepanski-Huillery 2005.
  20. Aziz Salmone Fall, « Les 50 ans de Bandoeng - le non alignement à l’ère du supraimpérialisme », avril 2005 (consulté le 1er février 2009).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes