Phrase

En grammaire, une phrase peut être considérée comme un ensemble autonome, réunissant des unités syntaxiques organisées selon différents réseaux de relations plus ou moins complexes appelés subordination, coordination ou juxtaposition.

L'autonomie peut être définie comme un prédicat (en français, le plus souvent un verbe conjugué) associé à une modalité d'énonciation (assertion, interrogation, injonction, exclamation dans un sens restreint, amorcé par un marqueur exclamatif).

Il fait beau. La phrase ci-dessus, quelle que soit la situation d'énonciation, signifie qu'il fait beau. Rien de plus, rien de moins. En tant qu'énoncé par contre, elle peut avoir des sens différents. S'il fait vraiment beau, le sens de l'énoncé ci-dessus correspond à la signification de la phrase. Si, au contraire, le temps n'est pas beau, et que l'énonciateur s'exprime ironiquement, le sens de l'énoncé sera : « Il ne fait vraiment pas beau ! », tandis que la signification de la phrase restera inchangée : « Il fait beau. »

Délimitation de la phrase

Syntaxe débordant du cadre de la phrase

En suivant les à-coups spontanés de la pensée et le jaillissement incontrôlé des émotions plutôt que la planification structurée de la syntaxe, un tel type de phrase permet de faire partager l'état d'esprit du locuteur. À l'écrit, il s'agit le plus souvent d'une figure de style :

Et j'ai connu un moment de désespoir absolu. Le premier de ma vie consciente. Un moment de haine pure, aussi, envers cette femme altière et ses manigances. (Françoise GIROUD, Leçons particulières. Fayard, 1990) Ces trois phrases formelles n'en forment qu'une seule du point de vue syntaxique. Les deux dernières phrases (phrases nominales) sont en fait des appositions du nom « moment » de la première phrase.

Phrase pouvant contenir plusieurs syntaxes indépendantes

La grammaire traditionnelle appelle de telles unités des propositions indépendantes. Elles sont soit juxtaposées par un signe de ponctuation, tel que virgule, point-virgule, double point, tiret, soit reliées par un coordonnant (coordonnées, donc) :

Ce sont les vacances : je fais la grasse matinée. Les deux segments séparés par le deux-points sont liés d'un point de vue sémantique (le second est la conséquence du premier) mais autonomes d'un point de vue syntaxique. C'est ainsi que, quoique appartenant à une même phrase formelle, ces deux segments peuvent parfaitement être analysés comme deux phrases indépendantes. Anatole dort.

Structure minimale de la phrase

Une phrase est constituée d’une ou plusieurs propositions. Chaque proposition est typiquement constitué d’un sujet et d’un prédicat (groupe verbal) auxquels peuvent s’ajouter des éventuels compléments circonstanciels.

Le sujet (accompagné de tous les éléments qui en dépendent) constitue le thème de la phrase, c'est-à-dire, ce dont on parle.

Exemple :

« Jean, l’ami que je vous ai présenté, dort. »
Le sujet est « Jean, l’ami que je vous ai présenté ».

Le sujet peut être implicite. Ainsi, dans le mode impératif, la terminaison du verbe aide à le déterminer.

Exemple :

« Donne-moi cinq euros. »
Le sujet, non explicité, est l’interlocuteur ou interlocutrice.

Le prédicat (le verbe accompagné de tous les éléments qui en dépendent directement) constitue le rhème (ou propos) : c’est ce que l’on dit du thème.

Exemple :

« Jean dort profondément. »
Le prédicat est « dort profondément ».

Le verbe constitue le noyau de la phrase.

Phrases atypiques

Par exception à la constitution usuelle de la phrase, certaines phrases n’ont pas de verbe conjugué et sont donc « atypiques ».

Phrase elliptique

La phrase elliptique est une phrase où le sujet implicite provient directement du contexte. Ainsi, isolée, elle n’a pas de sens.

Exemple (seconde phrase) :

— Où vas-tu ?

— Chez Martine.

Mot-phrase

Certains mots ou certaines locutions peuvent constituer à eux seuls des phrases correctes. C’est le cas des adverbes d’affirmation et de négation (oui et non) ou des formules de politesse (bonjour).

Phrase averbale

Les autres phrases atypiques sont dites averbales. Le noyau repose donc sur un autre élément : un adjectif, un groupe nominal — on parle alors de phrase nominale —, un adverbe ou un groupe prépositionnel.

Elle se combine, tout comme une phrase, d'une modalité d'énonciation, l'assertion (parfois avec un supplément d'affect) :

Assertion :

« Une belle ville, Toulouse » — Bernanos

Interrogation :

« Toujours imbue de religion, ta femme ? » — Feydeau

Injonction :

« au clou, le Lagarde et Michard » — Ernaux

Ainsi la phrase nominale peut également contenir deux éléments comme ci-dessus. Dans ce cas, on peut dire qu'il y a un début d'organisation (un début de syntaxe, donc) ; on peut par exemple être en présence d'un sujet (ou support) et d'un élément juxtaposé qui nous renseigne sur ce sujet. Dans les phrases ci-dessus, on a le noyau (ou prédicat) suivi du sujet (ou support). L'absence de verbe nous invite à deviner le type de lien existant entre ces deux éléments : Autres exemples :

Habitude servitude. C'est-à-dire « L'habitude est une servitude » ou encore, « On est l'esclave de ses habitudes ». Ô les calvaires et les moulins du désert, les îles et les meules.

Phrase nominale de Arthur Rimbaud dans Enfance / Illuminations.

La phrase averbale peut être également constituée d'un seul et unique élément :

La mer. Les vacances. Le soleil. Le camping. Formidable. C'est-à-dire (par exemple) « Nous voici au bord de la mer. Ce sont les vacances. Il y a du soleil. Nous faisons du camping. C'est formidable."

Autres exemples : Très bon, très bon, et très neuf comme saveur; une trouvaille, mon cher ! (Maupassant, ex. tiré de Lefeuvre 1999)

Elle peut avoir un sens attributif comme dans les cas répertoriés jusqu'ici, mais également un sens existentiel, posant l'existence d'un objet : À chaque pas des fossés, des ronces, des broussailles.(Daudet, ex. tiré de Lefeuvre 1999)

et même parfois, un sens processuel impliquant une dynamique qui se réalise dans le temps: Visite de Mlle Chantal. (Bernanos, ex. tiré de Lefeuvre 1999)