Lucrèce Borgia

Lucrèce Borgia
Image illustrative de l’article Lucrèce Borgia
Le seul portrait confirmé de Lucrèce Borgia, pour lequel elle a posé (attribué à Battista Dossi, vers 1519, National Gallery of Victoria).
Titre Régente de la sainte Église, puis première conseillère du Saint-Père (son père le pape Alexandre VI)
Princesse de Salerne
Gouverneur de Spolète
Duchesse de Bisceglie
Comtesse de Pesaro et de Gradara
Duchesse de Ferrare, Modène et Reggio d'Émilie
Biographie
Naissance 18 avril 1480
Subiaco, États pontificaux
Décès 24 juin 1519 (à 39 ans)
Ferrare, Duché de Ferrare
Père Rodrigo Borgia (futur souverain pontife Alexandre VI)
Mère Vannozza Cattanei
Conjoint Giovanni Sforza (1493-1497)
Alphonse d'Aragon (1498-1500)
Alphonse Ier d'Este (1502-1519)

Lucrèce Borgia (Lucrezia Borgia en italien), née à Subiaco le 18 avril 1480 et morte à Ferrare le 24 juin 1519, est la fille naturelle du cardinal valencien Rodrigo Borja (futur pape Alexandre VI).

Elle a marqué son époque comme protectrice des arts et des lettres. La tendance des historiens d'aujourd'hui serait plutôt de réhabiliter la mémoire de Lucrèce Borgia, dont la « légende noire » a été véhiculée dès le XVIe siècle par l'Église et popularisée par la pièce de théâtre Lucrèce Borgia de Victor Hugo.

Biographie

Portrait de femme par Bartolomeo Veneto (le tableau est traditionnellement considéré comme représentant Lucrèce Borgia).

Fille naturelle du cardinal Rodrigo Borgia (futur pape Alexandre VI) et de Vannozza Cattanei, patricienne romaine, Lucrèce est la sœur de César Borgia. Elle demeure célèbre pour sa beauté autant que pour ses mœurs prétendument dissolues. Ce qui n'a jamais été vraiment prouvé.

Elle vit d'abord auprès de sa mère avec ses frères et ses nombreux beaux-pères. En effet, sa mère, bien que favorite officielle du cardinal Borgia, s'est mariée quatre fois. Son dernier mari, Carlo Canale, est un humaniste qui enseigne aux enfants de sa femme le grec ancien et le latin. À l'adolescence, la jeune fille emménage dans le palais de son père, qui se fait passer auprès d'elle pour son oncle et ne lui révèle la vérité que plus tard. Borgia vit alors avec sa nouvelle maîtresse, Giulia Farnèse (mariée au peu plaisant Orsino Orsini, le fils d'Adriana de Mila, cousine du cardinal). C'est elle qui tient lieu de nouvelle mère à Lucrèce. La jeune fille, en effet élevée comme une véritable princesse bénéficie d'une éducation soignée. Lucrèce aurait été la grande amie de Giulia Farnèse, si tant est que ce mot puisse signifier quelque chose dans la sphère politique et le nid d'intrigues dans lequel elle vivait.

Même si son père et son frère, l'ambitieux César Borgia, l'aiment tendrement, Lucrèce demeure un outil politique à leurs yeux, et ce dès sa jeunesse en étant deux fois promise en mariage avant de finalement épouser Giovanni Sforza. Elle ne commence à vivre l'existence tranquille à laquelle elle aspire qu'après son troisième mariage :

À Ferrare, elle devient protectrice des arts. L'Arioste et Pietro Bembo la célèbrent. Son rôle politique demeure assez limité, surtout après la chute du clan Borgia consécutive à la mort du pape en 1503. Néanmoins, elle a été gouverneur de Spolète et plusieurs fois responsable en chef des affaires du Vatican lors des voyages de son père.

Elle meurt à 39 ans d'une septicémie consécutive à la naissance d'une fille, qui meurt à l'âge de deux ans. Elle est inhumée au monastère Corpus Domini de Ferrare.

Descendance

  1. Rodrigue d'Aragon (de Bisceglie) (1499-1512)
  1. Alessandro d'Este (19 août 1505 - octobre 1505)
  2. une fille mort-née le 5 septembre 1507
  3. Hercule II d'Este (1508-1559), duc en 1534, ∞ 1528 Renée de France (1510-1575), fille du roi de France Louis XII
  4. Hippolyte d'Este (1509-1572), cardinal de Ferrare en 1538
  5. Alessandro d'Este (avril 1514 - 10 juillet 1516)
  6. Éléonore d'Este (3 juillet 1515 - 15 juillet 1575), nonne
  7. Francesco d'Este (it) (1er novembre 1516 - 22 février 1578), prince de Massa, ∞ 1540 Maria di Cardona (morte en 1563)
  8. Isabella Maria d'Este (it) (* 14 juin 1519, † 1521)

Le mythe de Lucrèce Borgia et son influence sur les arts

La légende noire de Lucrèce Borgia préparée par les « racontars » de son premier époux Sforza, ne commence qu'avec Victor Hugo, qui, dans sa pièce en trois actes, crée « la plus glauque des légendes ». Celle-ci connaîtra une abondante postérité littéraire.

Néanmoins, dans son "analyse raisonnée de l'histoire de France", publiée en 1826 et donc antérieure à la pièce de Victor Hugo, Chateaubriand qualifie déjà Lucrèce de "triplement incestueuse". Cette citation suggère que l'auteur des "misérables" n'est au mieux que le propagateur d'une réputation déjà ternie.

À partir du XXe siècle, de nombreuses biographies remettent en question les accusations d'immoralité portées contre Lucrèce. Ils présentent le personnage comme la victime d'une époque plutôt cruelle pour les femmes. La réputation de Lucrèce Borgia a souffert des agissements de ses proches, mais les historiens s'accordent aujourd'hui à l'innocenter des multiples crimes et méfaits qui lui ont été imputés.

Par exemple, sur le fameux "infant de Rome" dont bon nombre de contemporains malveillants ont répandu la rumeur tenace qu'il était né des fruits d'une relation incestueuse entre Lucrèce et son père, la vérité était tout autre. En réalité, Lucrèce, en attente de divorce avec son premier mari Giovanni Sforza, eut une relation avec un surnommé Perroto, chargé de transmettre les échanges fréquents au sujet du divorce à Lucrèce, cloitrée dans le monastère de San Sisto. Lorsque son frère César découvrit qu'elle était enceinte (et ce en pleine négociation de divorce pour non-consommation), celui-ci poursuivit Perroto jusqu'au trône pontifical où siégeait le pape, et le frappa sauvagement jusqu'au sang. Le 8 Février, il "tomba dans le Tibre contre son gré" note dans son journal Burckard, maître des cérémonies du pape. Pour assurer des revenus à l'enfant, un fils, le pape le légitima dans une première bulle instaurant qu'il était le fils de César et d'une "femme non mariée", lui octroyant le duché de Népi. Mais le pape, craignant que César s'approprie ce duché, instaura finalement une seconde bulle indiquant que l'"infant romain" était en réalité son fils. Ces bulles sont donc basées sur une filiation parfaitement fausse, mais il était impossible de légitimer un bâtard de Lucrèce autrement. Cette dernière pût donc s'en occuper librement, ce qu'elle fit avec joie, avec pour excuse qu'il s'agissait légalement (bien que non de fait) de son frère prétendument né des amours de son père avec une femme inconnue.

Dans son ouvrage "Scènes historiques de la Renaissance" (1877), Arthur de Gobineau retranscrit les mémorables paroles adressées par Alexandre VI à Lucrèce : "Les gens me disent à la fois votre père et votre amant ? Laissez, Lucrèce, laissez le monde, laissez cet amas de vermisseaux ridicules autant que débiles imaginer sur les âmes fortes les contes les plus absurdes !... Sachez désormais que, pour ces sortes de personnes que la destinée appelle à dominer sur les autres, les règles ordinaires de la vie se renversent et le devoir devient tout différent. Le bien, le mal, se transportent ailleurs, plus haut, dans un autre milieu... La grande loi du monde, ce n'est pas de faire ceci ou cela, d'éviter ce point ou de courir à tel autre : c'est de vivre, de grandir et de développer ce qu'on a en soi de plus énergique et de plus grand, de telle sorte que d'une sphère quelconque, on sache toujours s'efforcer de passer dans une plus large, plus aérée, plus haute. Ne l'oubliez pas. Marchez droit devant vous. Ne faites que ce qui vous plaît, en tant que cela vous sert. Abandonnez aux petits esprits, à la plèbe des subordonnés, les langueurs et les scrupules. Il n'est qu'une considération digne de vous : c'est l'élévation de la maison de Borgia, c'est l'élévation de vous-même."

Lucrèce Borgia par Le Pinturicchio, 1492-1494.

Le personnage mythique de Lucrèce Borgia a inspiré de nombreux auteurs et artistes.

Littérature

Peinture

Musique

Cinéma et télévision

Théâtre

Jeu vidéo

Bande dessinée et mangas

Notes et références

  1. Sophie Cassagnes-Brouquet, Bernard Doumerc, Les Condottières, Capitaines, princes et mécènes en Italie, XIIIe – XVIe siècle, Paris, Ellipses, 2011, 551 p. (ISBN 978-2-7298-6345-6), L'âge d'or des bâtards (page 347)
  2. Ivan Cloulas, "Les Borgia", Editions Fayard, 1987
  3. Jean-Yves Boriaud, Les Borgia, la pourpre et le sang, Perrin, 2017, 396 p.
  4. « Le vrai visage des Borgia », Le Figaro Magazine du 8 octobre 2011.
  5. Arthur de Gobinaud, "La Renaissance", 1877, extrait repris par Ivan Cloulas
  6. Sur le site morinie.com.
  7. « JULIETTE - Rimes féminines 1997 » (consulté le 15 août 2019)
  8. « Secrets d'histoire : Lucrèce Borgia, une femme au Vatican », sur Le Figaro (consulté le 18 octobre 2020)

Sources biographiques (sélection)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes