Jirō Taniguchi

Jirō Taniguchi Description de cette image, également commentée ci-après Jirō Taniguchi au Festival d'Angoulême 2015.

谷口 ジロー

Données clés
Naissance 14 août 1947
Tottori (préfecture de Tottori, Japon)
Décès 11 février 2017
Tokyo (Japon)
Nationalité Japonaise
Auteur
Éditeur associé
Maître Kyūta Ishikawa

Œuvres principales

Première œuvre : Kareta heya
Œuvres majeures :

Signature de

Jirō Taniguchi (谷口 ジロー, Taniguchi Jirō) est un auteur japonais de mangas seinen et gekiga, né le 14 août 1947 à Tottori (préfecture de Tottori) au Japon et mort le 11 février 2017 à Tokyo.

Biographie

Jirō Taniguchi naît dans une famille « endettée, assez pauvre ». Enfant à la santé fragile, il passe beaucoup de temps à lire et à dessiner. Son père est tailleur, sa mère exerce divers métiers tels que femme de ménage, employée de marché ou de pachinko. Il a deux frères aînés. Âgé de 4 ans, il est très marqué par l'incendie de la maison familiale survenu lors du grand incendie de Tottori (鳥取大火, Tottori taika) le 17 avril 1952, qu'il relatera plus tard dans Le Journal de mon père.

Lecteur dans sa jeunesse de mangas shōnen, il s'intéresse au seinen et au gekiga à partir de la fin des années 1960 sous l'influence de Yoshihiro Tatsumi et du magazine Garo. À 18 ans il quitte la maison familiale et trouve un emploi de bureau à Kyoto. Au bout de quelques mois, il réalise qu'il aime par-dessus tout dessiner des mangas : il décide de devenir mangaka en 1969, et monte alors à Tokyo où il devient l'assistant de Kyūta Ishikawa, pendant cinq ans. Il publie sa première bande dessinée en 1970 : Kareta heya, répond à quelques commandes de mangas érotiques, puis devient assistant de Kazuo Kamimura. C'est à cette époque qu'il découvre la bande dessinée européenne, alors inconnue au Japon, et dont le style (netteté et diversité du dessin), notamment celui de la ligne claire, va fortement l'influencer,.

Il finit par prendre son indépendance et s'associe dans les années 1980 avec les scénaristes Natsuo Sekikawa (ja) (également journaliste) et Caribu Marley, avec lesquels il publiera des mangas aux styles variés : aventures, policier, mais surtout un manga historique, Au temps de Botchan, sur la littérature et la politique dans le Japon de l'ère Meiji. C'est à cette époque qu'il décide de limiter ses sorties éditoriales, bien qu'il travaille toujours « huit à neuf heures par jour ».

À partir des années 1990, il se focalise sur les choses de la vie quotidienne, et sur les relations entre êtres humains, mais aussi entre les hommes et les animaux, avec L'Homme qui marche et Terre de rêves. Suivront L'Orme du Caucase, Le Journal de mon père et Quartier lointain, édités en France dans la collection Écritures de l'éditeur Casterman.

Autour du thème de la relation entre l'homme et la nature, il s'attache particulièrement à l'alpinisme, avec K, Le Sauveteur, Le Sommet des dieux et avec la nouvelle La Terre de la promesse (dans le recueil Terre de rêves).

Reconnu en France, le grand public japonais le découvre en 2012 avec l'adaptation en série-télé du Gourmet solitaire.

Son atelier se trouve dans le quartier de Kumegawa (久米川) de la ville de Higashimurayama (banlieue ouest de Tokyo),.

Jirō Taniguchi s'éteint le 11 février 2017 à l'âge de 69 ans, à Tokyo, des suites d'une longue maladie,,. Il venait de terminer le premier volume d'une nouvelle œuvre qui aurait dû en compter trois, La Forêt millénaire,.

Regards sur l'œuvre

À ses débuts, Jirō Taniguchi s'inspire avec Natsuo Sekikawa (ja) du roman noir américain, avec pour objectif d'en faire une version BD humoristique, sans grand succès. Il est également influencé par les romans animaliers, notamment ceux d'Ernest Thompson Seton dont il s'inspire pour Blanca (du nom d'un des chiens de Lobo the King of Currumpaw), et à qui il rendra hommage dans Seton.

Ses histoires plus récentes traitent de thèmes universels comme la beauté de la nature, l'attachement à la famille ou le retour en enfance. Il s'inspire d'ailleurs de sa vie personnelle : souvenirs de son enfance à Tottori dans Le Journal de mon père et Quartier lointain, vacances chez ses grands-parents dans L'Homme de la toundra, débuts de mangaka à Tokyo dans Un zoo en hiver, ou relations avec ses animaux domestiques dans Terre de rêves. La place de l'animal et de la nature dans l'existence des hommes est une question qui est au centre de sa création. De plus, d'après lui il est « l'un des rares auteurs de manga à dessiner des animaux, ce qui m'incite à pousser ma réflexion et mon travail sur le sujet ». Sur son attrait pour les choses du quotidien, Jirō Taniguchi déclare :

« Si j'ai envie de raconter des petits riens de la vie quotidienne, c'est parce que j'attache de l'importance à l'expression des balancements, des incertitudes que les gens vivent au quotidien, de leurs sentiments profonds dans les relations avec les autres. Dans la vie quotidienne, on ne voit pas souvent des gens hurler ou pleurer en se roulant par terre. Si mes mangas ont quelque chose d'asiatique, c'est peut-être parce que je m'attache à rendre au plus près la réalité quotidienne des sentiments des personnages. Si on y pénètre en profondeur, une histoire peut apparaître même dans les plus petits et les plus banals événements du quotidien. C'est à partir de ces moments infimes que je crée mes mangas. »

Son dessin, bien que caractéristique du manga, est cependant accessible aux lecteurs qui ne connaissent que la bande dessinée occidentale. Taniguchi dit d'ailleurs trouver peu d'inspiration parmi les auteurs japonais, et est plus influencé par des auteurs européens, tels Jean Giraud, avec qui il a publié Icare, François Schuiten, proche comme lui de La Nouvelle Manga, mouvement initié par Frédéric Boilet, le promoteur du manga d'auteur en France, et surtout Tito, d'après Taniguchi lui-même. Il finit ainsi par sortir en France, en 2007, un titre sous le format de bande dessinée, La Montagne magique, prépublié au Japon en décembre 2005 au format classique, puis une série de quatre tomes intitulée Mon Année à partir de novembre 2009, en collaboration avec le scénariste Jean-David Morvan, en attente de prépublication au Japon,. Il confie à Benoit Peeters dans un livre d’entretien en 2013 :

« Le paradoxe, c’est que tout en étant mangaka, mon style est assez proche de la bande dessinée à l’européenne et que je mets beaucoup d’éléments dans chaque image. Je me situe sans doute entre la BD et le manga de ce point de vue. Et c’est peut-être ce qui fait que pour certains lecteurs japonais mes mangas sont difficiles à lire… »

Jirō Taniguchi se dit également influencé par le cinéaste Yasujirō Ozu, chez qui on retrouve le même rythme et la même simplicité :

« C'est une influence directe. J'ai été marqué par Voyage à Tokyo et Printemps tardif. Je les ai vus enfant, mais sans en apprécier toute la portée. Je m'y suis vraiment intéressé quand j'avais 30 ans. J'aime l'universalité et l'intemporalité de ses histoires et la simplicité efficace avec laquelle il les raconte. Aujourd'hui, j'y pense à chaque fois que je dessine un manga. »

Outre Voyage à Tokyo, ses films préférés sont Barberousse d'Akira Kurosawa et Le Retour d'Andreï Zviaguintsev. Et pour lui, Osamu Tezuka, Utagawa Hiroshige, Edward Hopper, Vincent van Gogh et Gustav Klimt sont les cinq plus grands dessinateurs de l'Histoire.

Œuvres

Jirō Taniguchi en 2015 au Festival d'Angoulême 2015.

Œuvres collaboratives

Artbook et illustrations

Accueil de son œuvre

L'œuvre de Jirō Taniguchi a conquis un large public en France. Il se dit lui-même surpris par l’intérêt que porte le public français à son travail : « Au Japon, souvent on trouve mes histoires trop sobres, trop littéraires, alors qu'en France je sens une attention très profonde à mon travail, notamment au texte. » À sa mort en 2017, Quartier lointain a été écoulé à plus d'un million d'exemplaires en France.

L'auteur obtient globalement un succès certain auprès des lecteurs européens, notamment grâce à son style entre la bande dessinée et le manga. Au Japon, il est peu connu ; d’après Pierre-Alain Szigeti, avec qui il a travaillé pour le magazine Morning de Kōdansha dans les années 1990 : « Il ne vendait rien, peut-être 60 000 exemplaires, ce qui est dérisoire pour le Japon. Son œuvre est majeure, mais il n'a jamais vraiment percé. Aux yeux des Japonais, il est resté trop intimiste. »

Expositions

Son œuvre a fait l'objet d'une exposition monographique en France : « Éloge du détour », produite en 2012 par l'abbaye de Fontevraud, sous la direction artistique de Xavier Kawa-Topor, commissariat de Ilan Nguyen. Cette exposition a été présentée en différents lieux en France dont la Cité internationale de la Bande Dessinée et de l'Image à Angoulême.

Jirō Taniguchi est l'un des principaux invités du 42e festival international de la bande dessinée d'Angoulême qui s'est déroulé du 29 janvier au 1er février 2015. À cette occasion, une grande exposition monographique intitulée « Taniguchi, l'homme qui rêve » lui est consacrée, « la première de cette envergure qui lui soit dédiée en Europe ». Cette exposition est reprise du 12 mars au 15 mai 2016 à Versailles.

À la suite de sa disparition, une exposition, organisée par les éditeurs Rue de Sèvres, Kana, Futuropolis et Casterman, et une conférence, avec Benoît Peeters, Jean-David Morvan et Corinne Quentin, sont organisées au salon du livre de Paris 2017,.

Distinctions

Adaptations

Notes et références

Notes

(ja) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en japonais intitulé « 谷口ジロー » (voir la liste des auteurs).
  1. Cette première œuvre est parfois évoquée en français sous le titre Un été desséché ou Une chambre fanée.
  2. 酒店 peut se lire également sakamise, saketen ou sakadana.
  3. Ont également été réédités dans cette anthologie Blanca et Kami no inu Blanca II, en un tome chacun.

Références

  1. Sabrina Champenois, « Trait très sensible », Libération, 22 novembre 2010.
  2. Peeters 2012, p. 16

    « — Quel était le métier de votre père ?
    — Il était tailleur, comme dans Quartier lointain. »

  3. Peeters 2012, p. 14
  4. Peeters 2012, p. 15
  5. Un monde manga, documentaire de Hervé Martin-Delpierre et Jérôme Schmidt, France, 2004. Extrait consacré à Jirō Taniguchi sur Dailymotion.
  6. Peeters 2012, p. 27
  7. Jérôme Briot, « Taniguchi, le mangaka universel », ZOO, no 56,‎ janvier-février 2015, p. 8-9.
  8. Stéphane Jarno, « Le croqueur d'ordinaire », Télérama, no 3014,‎ 21 octobre 2007 (lire en ligne).
  9. Jirō Taniguchi (trad. du japonais), La Montagne magique, Bruxelles/Paris, Casterman, 2005, 66 p. (ISBN 978-2-203-00322-4, présentation en ligne), préface.
  10. Karyn Nishimura-Poupée, « Jirô Taniguchi, un mangaka qui rêvait d'Occident », Le Point.fr, le 12 février 2017
  11. (ja) Frédéric Boilet, « 写真で見るヌーベルまんが 5 », sur boilet.net/,‎ 6 août 2004 (consulté le 3 juillet 2009).
  12. (ja) Fuhō : Taniguchi Jirō-san 69sai = mangaka « Kodoku no gourmet » (訃報:谷口ジローさん69歳=漫画家「孤独のグルメ」), Mainichi Shimbun, le 11 février 2017.
  13. Manga : Jirô Taniguchi a pris ses "quartiers lointains", AFP sur Le Point.fr, le 12 février 2017
  14. Vincent Bernière, « Les Contemplatifs : Jirô Taniguchi », Beaux Arts hors-série, no 2H,‎ novembre 2008, p. 144 (ISSN 0757-2271) :

    « Il débute difficilement sa carrière par de courts récits influencés par le hard-boiled américain. Son scénariste, Natsuo Sekikawa, résume assez bien la situation d'alors : "Les rares critiques favorables classaient toujours nos créations dans le genre polar. Nous comprenions que ces critiques ne nous étaient pas hostiles, nous ne pouvions pas protester, mais notre intention n'avait jamais été de faire du polar. Non, nous avions l'ambition d'écrire des récits humoristiques." »

  15. Jirō Taniguchi (trad. du japonais), Blanco, vol. 1, Bruxelles/Paris, Sakka, 11 mars 2009, 1re éd., 280 p. (ISBN 978-2-203-02092-4).
  16. Peeters 2012, p. 19
  17. Aurélia Vertaldi, « Jirô Taniguchi : « Je n'ai jamais dû me censurer » », Le Figaro.fr, le 27 janvier 2015.
  18. Jean-Philippe Toussaint et Corinne Quentin, « Rêveries d'un promeneur solitaire », Castermag, no 23,‎ été 2008, p. 4 (lire en ligne).
  19. (ja) Tim Lehmann, Manga : Masters of the art , Japon, Bijutsu shuppansha,‎ janvier 2005, 256 p. (ISBN 4-568-50273-X) : « 日本で一番影響を受けているんじゃないか ».
  20. Arnaud Vaulerin, « Au Japon, il était jugé «trop intimiste» », Libération, le 12 février 2017
  21. (ja) « Historique de Young Jump - année 2005-2006 », sur Young Jump, Shueisha (consulté le 14 décembre 2009).
  22. Laurence Le Saux, « Jean David Morvan, plus que jamais franco-japonais », sur Bodoï, 7 décembre 2009 (consulté le 14 décembre 2009).
  23. « Mon année - Printemps », sur Dargaud (consulté le 14 décembre 2009).
  24. Peeters 2012, p. 66
  25. Arnaud Bordas, « Jirô Taniguchi - Un Japonais à Paris », Le Figaro Magazine, no 801,‎ 1er août 2009, p. 68 (ISSN 0184-9336, lire en ligne).
  26. Romain Brethes, « Exclusif : les dernières planches de Taniguchi », Le Point 2322, 9 mars 2017
  27. « Taniguchi Jirô, éloge du détour », sur citebd.org (consulté le 5 décembre 2014).
  28. « taniguchi à Angoulême », sur bdangouleme.com (consulté le 5 décembre 2014).
  29. Jirô Taniguchi, l’homme qui rêve, Ville de Versailles
  30. Hommage à Taniguchi, Livre Paris, le 16 mars 2017
  31. Conférence Hommage à Taniguchi, Livre Paris
  32. « M. Frédéric Mitterrand a assisté au 14 juillet à Koriyama », sur Ambassade de France au Japon (consulté le 21 juillet 2011).
  33. Remise de décoration à Mme Keiko KISHI (Commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres), Mme Reiko KRUK, (Officier dans l’ordre des Arts et des Lettres), M. Jiro TANIGUCHI (Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres), M. et Mme Shin et Yuko KIBAYASHI, Ministère de la Culture et communication, le 15 juillet 2011.
  34. « Quartier Lointain », sur théâtre contemporain (consulté le 28 septembre 2011).
  35. « Quartier Lointain », sur Allociné (consulté le 2 novembre 2010).
  36. Le Gourmet Solitaire adapté en drama, Manga-news.com, le 19 décembre 2011.
  37. Un film d'animation français en 3D pour Le Sommet des Dieux !, Manga News, le 22 janvier 2015.
  38. Premières images du film du Sommet des Dieux (par Folivari et Patrick Imbert d'après Taniguchi), Catsuka, le 4 mars 2016
  39. Après "Made in France", Nicolas Boukhrief adapte Jiro Taniguchi, Challenges, le 30 septembre 2016
  40. « L'Homme qui marche de Jiro Taniguchi adapté en série télévisée », sur 9ème Art, 30 mars 2020 (consulté le 31 mars 2020).
  41. (ja) « 谷口ジロー「歩くひと」NHKでドラマ化、井浦新演じる主人公がささやかな冒険楽しむ », sur Natalie,‎ 30 mars 2020 (consulté le 31 mars 2020).
  42. « Le Sommet des dieux », sur Télérama.fr (consulté le 3 octobre 2021).

Voir aussi

Bibliographie

Articles :

Interviews :

Liens externes