Enthalpie standard de formation

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En thermodynamique chimique, l'enthalpie standard de formation est une valeur de référence de l'enthalpie tabulée pour toute espèce chimique. Pour un corps ${\displaystyle i}$ à la température ${\displaystyle T}$, elle est notée ${\displaystyle \Delta H_{\mathrm {f} ,T,i}^{\circ }}$ ou ${\displaystyle \Delta _{\mathrm {f} }H_{T,i}^{\circ }}$. La température standard est de 298,15 K (25 °C). L'enthalpie standard de formation s'exprime en joules par mole ou kilojoules par mole (J mol⁻¹ ou kJ mol⁻¹) dans le Système international d'unités (SI).

L'enthalpie ${\displaystyle H}$ d'un corps pur ne peut être calculée de façon absolue car elle dépend de l'énergie interne ${\displaystyle U}$ qui n'est pas calculable (${\displaystyle H=U+PV}$). Néanmoins, une échelle d'enthalpies molaires a été établie en définissant des zéros arbitraires pour certains corps simples. Cela permet de calculer rapidement une enthalpie standard de réaction :

${\displaystyle \Delta _{\text{r}}H_{T}^{\circ }=\sum _{i}\nu _{i}\,\Delta _{\mathrm {f} }H_{T,i}^{\circ }}$

L'enthalpie standard de formation à la température ${\displaystyle T}$ d'un composé chimique, notée ${\displaystyle \Delta _{\text{f}}H_{T}}$, est la différence d'enthalpie mise en jeu lors de la formation d'une mole de ce composé à partir des corps simples purs, pris dans leur état standard et stables à la température considérée ${\displaystyle T}$^[1]. Elle s'exprime en joules par mole ou kilojoules par mole (J mol⁻¹ ou kJ mol⁻¹) dans le Système international d'unités (SI).

Elle correspond à l'enthalpie standard de réaction à ${\displaystyle T}$, ${\displaystyle \Delta _{\text{r}}H_{T}^{\circ }}$ (voir thermochimie) de la réaction de formation du corps pur composé à partir des corps purs simples correspondants, stables dans l'état standard à ${\displaystyle T}$.

${\displaystyle {\rm {C_{graphite}+O_{2(g)}\longrightarrow CO_{2(g)}}}}$

De cette définition découlent plusieurs conséquences :

• l'enthalpie standard de formation, à la température ${\displaystyle T}$, d'un corps simple stable est nulle : la réaction de formation d'un tel corps serait en effet la réaction de formation à partir de lui-même. Par exemple :
  • ${\displaystyle \Delta _{\text{f}}H_{T}({\rm {C_{graphite})=0}}}$ si le graphite est stable à la température choisie ${\displaystyle T}$. En revanche, l'enthalpie de formation du carbone diamant (métastable) est différente de zéro puisqu'elle correspond à la réaction de formation du diamant à partir du corps simple stable dans les conditions standards, le graphite ;
  • ${\displaystyle \Delta _{\text{f}}H_{T}({\rm {O_{2(g)})=0}}}$ si le dioxygène est stable à la température ${\displaystyle T}$ ;
  • ${\displaystyle \Delta _{\text{f}}H_{T}({\rm {CO_{2(g)})\neq 0}}}$ car le dioxyde de carbone est un corps composé ;
• il n'est plus nécessaire de définir une échelle arbitraire d'enthalpie. On a choisi de dresser des tables d'enthalpies standard de formation à la température de référence de 298,15 K (25 °C).

Avec la capacité thermique isobare molaire ${\displaystyle {\bar {C}}_{P}^{\circ }}$ du corps dans l'état standard, on a la relation entre la grandeur à 298,15 K et la grandeur à ${\displaystyle T}$, à une pression standard de 1 bar :

${\displaystyle \Delta _{\text{f}}H_{T}=\Delta _{\text{f}}H_{298}+\int _{298}^{T}{\bar {C}}_{P}^{\circ }\,\mathrm {d} T}$

L'intérêt de l'enthalpie standard de formation est qu'elle permet de calculer le ${\displaystyle \Delta _{\text{r}}H_{T}^{\circ }}$ de n'importe quelle réaction, connaissant le ${\displaystyle \Delta _{\text{f}}H_{T}}$ de chacun des réactifs et produits intervenant dans la réaction. Ceci est donné par la loi de Hess.

On considère une réaction chimique dont l'équation bilan est la suivante :

${\displaystyle {\begin{matrix}\nu _{1}\,A_{1}+\nu _{2}\,A_{2}+\cdots +\nu _{i}\,A_{i}&\rightleftharpoons &\cdots +\nu _{j}\,A_{j}\\{\text{réactifs}}\,(i)&&{\text{produits}}\,(j)\end{matrix}}}$

L'enthalpie standard de réaction à ${\displaystyle T}$ est égale à^[2],[1] :

${\displaystyle \Delta _{\text{r}}H_{T}^{\circ }=\sum _{j}\nu _{j}\,\Delta _{\text{f}}H_{T,j}^{\circ }-\sum _{i}\nu _{i}\,\Delta _{\text{f}}H_{T,i}^{\circ }}$

Selon la convention stœchiométrique, les coefficients stœchiométriques ${\displaystyle \nu }$ sont notés algébriquement : positifs pour les réactifs et négatifs pour les produits. L'équation bilan est donc écrite selon :

${\displaystyle 0=\sum _{i}\nu _{i}\,A_{i}}$

L'enthalpie standard de réaction est écrite :

${\displaystyle \Delta _{\text{r}}H_{T}^{\circ }=\sum _{i}\nu _{i}\,\Delta _{\text{f}}H_{T,i}^{\circ }}$

De la même manière et pour les mêmes raisons, il est défini une enthalpie libre standard de formation à ${\displaystyle T}$, notée ${\displaystyle \Delta _{\text{f}}G_{T}^{\circ }}$, dont les valeurs sont tabulées pour la plupart des composés à la température de référence de 298 K. Ces valeurs permettent de calculer l'enthalpie libre standard de réaction à 298 K, notée ${\displaystyle \Delta _{\text{r}}G_{298}^{\circ }}$ :

${\displaystyle \Delta _{\text{r}}G_{298}^{\circ }=\sum _{i}\nu _{i}\,\Delta _{\text{f}}G_{298,i}^{\circ }}$

Ce qui permet d'avoir accès à la constante d'équilibre ${\displaystyle K_{298}}$ (voir l'article Équilibre chimique) :

${\displaystyle \Delta _{\text{r}}G_{298}^{\circ }=-R\,298\,\ln K_{298}}$

En revanche, l'entropie d'un corps pur peut être calculée de façon absolue (voir l'article Entropie d'un corps pur), il n'est donc pas nécessaire de définir une entropie standard de formation. Les entropies molaires standards à 298 K, notées ${\displaystyle {\bar {S}}_{298}^{\circ }}$, sont directement calculées et tabulées. Elles permettent de calculer l'entropie standard de réaction à 298 K, notée ${\displaystyle \Delta _{\text{r}}S_{298}^{\circ }}$ :

${\displaystyle \Delta _{\text{r}}S_{298}^{\circ }=\sum _{i}\nu _{i}\,{\bar {S}}_{298,i}^{\circ }}$

Ces grandeurs sont liées par la relation ${\displaystyle G=H-TS}$ entre enthalpie libre ${\displaystyle G}$, enthalpie ${\displaystyle H}$ et entropie ${\displaystyle S}$ :

${\displaystyle \Delta _{\text{f}}G_{298,i}^{\circ }=\Delta _{\text{f}}H_{298,i}^{\circ }-298\,{\bar {S}}_{298,i}^{\circ }}$

Les tables thermodynamiques donnent soit ${\displaystyle \Delta _{\text{f}}H_{298}^{\circ }}$ et ${\displaystyle {\bar {S}}_{298}^{\circ }}$, soit ${\displaystyle \Delta _{\text{f}}G_{298}^{\circ }}$ et ${\displaystyle {\bar {S}}_{298}^{\circ }}$.

Les enthalpies standard de formation et entropie standard à 298 K sont tirées des tables publiées par la JANAF^[3],[4] ainsi que Ribaud et Manson^[5]. En toute rigueur, ces enthalpies de formation ne sont plus standard car elles ne sont pas données à ${\displaystyle P}$ = 1 bar = 10⁵ Pa, mais à ${\displaystyle P}$ = 1 atm = 1,013 25 × 10⁵ Pa, qui constituait la pression standard lors de leur rédaction. Néanmoins, étant donné la variation minime de pression, les valeurs reportées dans ce tableau sont proches des valeurs réelles en première approximation.

Composé chimique	Masse molaire (g/mol)	${\displaystyle \Delta _{\text{f}}H_{\text{298}}^{\circ }}$ (kJ mol−1)	${\displaystyle S_{298}^{\circ }}$ (J K−1 mol−1)
${\displaystyle {\rm {CO_{2}(g)}}}$	44,010	−393,52	213,75
${\displaystyle {\rm {CO(g)}}}$	28,011	−110,58	197,6
${\displaystyle {\rm {NO(g)}}}$	30,008	90,32	210,7
${\displaystyle {\rm {NH_{3}(g)}}}$	17,031	−45,91	192,66
${\displaystyle {\rm {CH_{4}(g)}}}$	16,043	−74,9	186,17
${\displaystyle {\rm {C_{2}H_{6}(g)}}}$	30,068	−84,7	229,57
${\displaystyle {\rm {C_{3}H_{8}(g)}}}$	44,094	−103,88	270,01
${\displaystyle {\rm {C_{4}H_{10}(g)}}}$	58,12	−124,78	310,15
${\displaystyle {\rm {C_{5}H_{12}(g)}}}$	72,146	−146,50	349,49
${\displaystyle {\rm {C_{6}H_{14}(g)}}}$	86,172	−167,25	386,95
${\displaystyle {\rm {C_{7}H_{16}(g)}}}$	100,21	−187,89	425,41
${\displaystyle {\rm {C_{8}H_{18}(g)}}}$	114,224	−208,52	463,84
${\displaystyle {\rm {C_{2}H_{4}(g)}}}$	28,054	52,49	219,30
${\displaystyle {\rm {C_{3}H_{6}(g)}}}$	42,078	20,42	267,03
${\displaystyle {\rm {C_{2}H_{2}(g)}}}$	26,038	226,81	200,92
${\displaystyle {\rm {C_{6}H_{6}(g)}}}$	78,108	82,96	269,30
${\displaystyle {\rm {H_{2}(g)}}}$	2,016	0	130,46
${\displaystyle {\rm {H(g)}}}$	1,008	218,06	114,65
${\displaystyle {\rm {N_{2}(g)}}}$	28,016	0	191,32
${\displaystyle {\rm {N(g)}}}$	14,008	472,96	153,23
${\displaystyle {\rm {O(g)}}}$	16,000	249,28	161,02
${\displaystyle {\rm {O_{2}(g)}}}$	32,000	0	204,82
${\displaystyle {\rm {O_{3}(g)}}}$	48,000	142,12	237,42
${\displaystyle {\rm {C}}}$ (graphite)	12,011	0	5,68
${\displaystyle {\rm {C}}}$ (diamant)	12,011	1,92	2,45
${\displaystyle {\rm {H_{2}O}}}$ (liquide)	18,01528	−285,10	69,96
${\displaystyle {\rm {H_{2}O}}}$ (gaz)	18,01528	−241,8	188,74
${\displaystyle {\rm {HF}}}$ (liquide)	20,00634	−299,8
${\displaystyle {\rm {HF}}}$ (gaz)	20,00634	−271,1	173,7
${\displaystyle {\rm {HCl}}}$ (gaz)	36,461	−92,31	186,90

Remarques :

• les corps simples dont l'enthalpie de formation standard à 298 K est nulle correspondent à la variété stable à cette température ;
• certains composés ne sont pas stables sous la pression standard à 298 K. C'est le cas par exemple de l'eau à l'état gaz. Néanmoins, même si son existence est fictive dans ces conditions, la valeur de son enthalpie standard de formation à 298 K est déterminée en tenant compte de l'enthalpie de vaporisation de l'eau liquide.

• Jean-Pierre Corriou, Thermodynamique chimique : Équilibres thermodynamiques, vol. J 1 028, Techniques de l'ingénieur, 1985 (lire en ligne).

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