Jacques Ferron

Apparence déplacer vers la barre latérale masquer Jacques FerronBiographie
Naissance 20 janvier 1921
Louiseville
Décès 22 avril 1985 (à 64 ans)
Saint-Lambert
Nationalité canadienne
Domiciles Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine (1946-1948), Longueuil, Montréal, Saint-Lambert
Formation Université Laval
Collège Jean-de-Brébeuf
Cégep de Saint-Laurent
Activités Journaliste, personnel médical, conteur, nouvelliste, homme politique, dramaturge, médecin écrivain, romancier
Fratrie Madeleine Ferron
Marcelle Ferron
Autres informations
Partis politiques Parti Rhinocéros
Parti québécois
Conflit Seconde Guerre mondiale
Distinctions Prix littéraires du Gouverneur général (1962)
Prix Athanase-David (1977)

Jacques Ferron (Louiseville - 20 janvier 1921 - Saint-Lambert - 22 avril 1985) est un écrivain, dramaturge, médecin, journaliste et homme politique canadien (québécois). Au Québec, il est surtout connu pour son œuvre écrite, qui mêle politique, médecine et humour. Il a fondé et dirigé le Parti Rhinocéros.

Biographie

Jacques Ferron est né à Louiseville en 1921, dans le comté de Maskinongé qui deviendra un des hauts lieux de sa géographie intime et littéraire. Après la mort de sa mère, il vit surtout en compagnie de femmes, auprès des Filles de Jésus du Jardin de l'Enfance de Trois-Rivières. Il fait son cours classique au collège Jean-de-Brébeuf où il apprécie l'enseignement du père Robert Bernier. Il se lie à Pierre Baillargeon, rencontre Pierre Laporte et Pierre Elliott Trudeau. À deux occasions, il sera expulsé de ce collège, dirigé par les Jésuites. « Moraliste précoce et précieux, timide, grand seigneur, aisément narquois », Ferron écrit déjà « admirablement bien », se rappelle Pierre Vadeboncœur. Jacques Ferron a pratiqué tous les genres qui pouvaient servir son propos et son plaisir : théâtre, récits, historiettes, romans, soties, pamphlets, épîtres, etc.

Il est le frère de l'écrivaine Madeleine Ferron (1922-2010), du médecin et humaniste Paul Ferron (1926-10 août 2007) et de la peintre Marcelle Ferron (1924-2001),. Il est aussi le neveu du député J.-Émile Ferron.

Ferron est mort d'une crise cardiaque en 1985 à son domicile de Saint-Lambert, Québec, alors âgé de 64 ans.

Médecine

À l'Université Laval, il devient médecin en 1945 : « Ce sera le médecin qui entretiendra l'écrivain. Je serai mon propre mécène. » Enrôlé dans les Forces armées canadiennes, il reçoit sa formation militaire dans plusieurs bases du Canada. Finalement, il se retrouve au camp de Grande-Ligne, « partagé entre les prisonniers allemands et les Olds Vets qui les gardaient, neutre comme un bon Québécois. »

À sa démobilisation, plutôt que d'exercer une carrière aisée à la ville, il s'installe pour deux ans à Rivière-Madeleine en Gaspésie,. Là-bas, il côtoie la pauvreté et la souffrance, si bien que par deux fois il porte plainte contre un collègue de Gaspésie au collège de médecins. En 1949, il s'établit près de Montréal, à Ville Jacques-Cartier (municipalité annexée à Longueuil depuis), où il est, encore une fois, consterné par la misère et les abus dans la hiérarchie du système de la santé.

À la Cité de Jacques-Cartier, la misère est sordide, l'assurance-médicale publique (RAMQ) n'existe pas encore, et le docteur Ferron soigne gratuitement les pauvres.

Bien que sa pratique se déroulera par la suite principalement en banlieue de Montréal, la Gaspésie occupe une place de choix au sein de son œuvre.

Politique

Son père étant organisateur de comté pour le Parti libéral, Jacques Ferron baigne tôt dans le milieu politique. Ses premiers écrits, publiés dans les années 1950, sont d'ailleurs dirigés contre le régime de Maurice Duplessis.

En 1958, il se présente comme candidat du Parti social-démocrate, qui deviendra le Nouveau Parti démocratique (NPD), à l'élection fédérale. Il forme ensuite le Parti Rhinocéros, en 1963, « voué à la raillerie de l’électoralisme et de l’infériorisation politique du Québec par Ottawa » et « dont l'arme principale, la dérision, s'acharne à dénoncer le pouvoir de plus en plus dominateur du gouvernement central». Éminence de la Grande Corne jusqu'à l'élection de 1979, leur devise est « De défaite en défaite jusqu'à la victoire ». Entre-temps, en 1966, il est candidat à l'élection pour le Rassemblement pour l'Indépendance nationale (RIN).

Le militant pacifiste sympathise avec les idées socialistes, rencontre les opposants au régime duplessiste et les futures têtes d'affiche du mouvement indépendantiste. Par l'intermédiaire de sa sœur Marcelle Ferron, il connaîtra aussi le groupe des Automatistes de Paul-Émile Borduas.

Pendant la crise d'Octobre 1970, Ferron se déclare « négociateur pour la cellule Chénier du FLQ ».

Écriture

Entre les petites gens qui visitent le médecin et la vie publique de l'écrivain militant, une œuvre prend forme. Ses historiettes et ses lettres aux journaux se multiplient, mêlant politique, histoire et littérature. Ses premières historiettes sont, d'ailleurs, publiés dans la revue L'information médicale.

Les deux années qu'il passe en Gaspésie « le libère de la formation livresque acquise au collège Jean-de-Brébeuf et lui permet de renouer avec l'univers populaire ». L'influence de ces années gaspésiennes le suit dans toute son œuvres narrative par la suite.

Les contes qui ont fait sa réputation sont écrits durant la période de réveil, de transition qui couvrent la fin des années 1950 (Contes du pays incertain), le milieu des années 1960 (Contes anglais) jusqu'au début des années 1970 (Contes inédits), et montrent bien que Ferron fut « le dernier d'une tradition orale, et le premier de la transcription écrite. » L'un de ses premiers contes, « L'anneau », est refusé par l'imprimeur du Journal Le Jour en 1944. Selon Donald Smith, ce que Ferron aime du conte, c'est « la pudeur, la malice, les symboles qui véhiculent les idées d'une façon énigmatique et ensorcelante. Pour lui, le conte s'inspire d'une langue universelle, celle de l'enfant surtout

Écriture prolifique, grandes œuvres, genres multiples, critiques favorables, prix littéraires, les années 1960 reconnaissent et consacrent l'écrivain. Mais entre l'auteur du Ciel de Québec et le futur négociateur et démystificateur de la crise d'Octobre québécoise, entre l'écrivain et l'homme public, fondateur et chef du Parti Rhinocéros, il y a une sorte de malentendu : « Ah ! vous nous faites rire, fait-il dire à ses lecteurs, et parce qu'ils riaient, j'ai eu droit à un laissez-passer d'humoriste. Je m'en suis beaucoup servi pour aller à ma guise. »

En 1968, sa pièce Les Grands Soleils est mise en scène au Théâtre du Nouveau Monde. Cette représentation est importante car elle suscite, selon Michelle Lavoie, un regain d’intérêt pour Ferron. Plusieurs de ses œuvres se voient alors rééditées.

À partir de 1973, Ferron se consacre à un grand livre sur la folie, le Pas de Gamelin, jamais complété, d'où sortiront ses derniers livres et des « contes d'adieu ». On y retrouve la maîtrise du faiseur de contes et l'incertitude emblématique du mécréant: « Aurais-je vécu dans l'obsession d'un pays perdu? Alors, Seigneur, je te le dis: que le Diable m'emporte. »

Il est également critique littéraire pour Le Petit Journal et Maclean, en plus d'écrire pour les périodiques Cité libre, Liberté, Parti pris, La Barre du jour et Le Devoir.

Réception critique

« Mythifié et légendaire de son vivant, Jacques Ferron a fouillé avec un instinct sûr et retors les mythologies connues et inconnues des provinces du Québec, ces lieux physiques comme la Gaspésie tout autant que ces lieux psychiques que sont les névroses des gens aux apparences ordinaires écrits pour révéler les Québécois à eux-mêmes, en cautionnant les blessures et les folies de leur imaginaire, qu'il a cartographié avec une finesse parfois cynique, souvent voltairienne. » Victor Lévy-Beaulieu écrira : « Jacques Ferron est le seul romancier qui ait tenté, tout au long d'une œuvre maintenant essentielle, de nous donner une mythologie. Son écriture d'ailleurs hésite toujours entre le mythe et le réel, entre l'imaginaire, le rêve québécois et le quotidien. »

Jacques Ferron est reconnu pour aborder, dans ses oeuvres, les thèmes de l'aliénation, de la maladie mentale, de la mort et bien d'autres. Dans son conte « Le chien gris », l'auteur traite d'un autre sujet tabou : l'inceste. Victor-Lévy Beaulieu écrit, au sujet de ce conte : « Lisez Le chien gris et dites-moi si même Franz Kakfa est allé aussi loin dans l’au-delà de n’importe quelle représentation symbolique. »

En 1973, Pierre Vallières écrit dans le journal Le Devoir que Ferron est « un visionnaire d'arrière-cuisine » parce qu'il consacre des historiettes à la Crise d'Octobre 1970. La même année, Jacques Ferron publie Du fond de mon arrière-cuisine, dont le titre de l'ouvrage est dédié à Pierre Vallières à cause de sa critique. Le dernier texte du recueil, « Les salicaires », est, selon Michel Lapierre, « un des plus beaux passages de la littérature québécoise » et, selon Pierre-Luc Landry, l'un des plus puissants du recueil. Dans ce texte, « Ferron détaille de manière bouleversante le désespoir et l’accablement qui l’accompagnent au couchant de sa vie, et dont chacun de nous peut faire l’expérience un jour ou l’autre ».

Le fonds d'archives de Jacques Ferron est conservé au centre d'archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

Postérité

En 1994, le Service de réinsertion sociale de la Rive-Sud change de nom pour devenir la Maison Jacques-Ferron. Fondé en 1990, l'organisme a pour but « d’accueillir des personnes qui vivent d’importantes difficultés de santé mentale ». La Maison Jacques-Ferron, installée à Longueuil depuis 1994, adopte le nom de l'écrivain, médecin de profession. L'organisme considère que « Tant dans son engagement dans la communauté, dans l’exercice de sa pratique et qu’à travers son œuvre littéraire, il a sans cesse réaffirmé l’importance de tenir compte de la singularité et de l’histoire propre à chacun dans le tracé de la destinée des personnes aux prises avec d’importantes difficultés en santé mentale

La ville de Longueuil rend hommage à l'écrivain en renommant sa bibliothèque municipale la Bibliothèque Jacques-Ferron. On trouve également à Longueuil le Centre culturel Jacques-Ferron.

Le musée situé dans l'agglomération de Madeleine-Centre, à Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine, raconte, entre autres, l'histoire du médecin-écrivain, qui a pratiqué ses premières années de médecine dans la municipalité. La maison où l'écrivain a habité, entre 1946 et 1948, est également source de fierté pour les Madeleinoriverains, qui en ont fait un attrait touristique.

Dans le parc de la Gaspésie se trouve le mont Jacques-Ferron, haut de 1036 mètres.

Prix et honneurs

Œuvre

Romans

Recueils de contes

Pièces de théâtre

Correspondances

Autres publications


Voir aussi

Bibliographie complétaire

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. « Jacques Ferron | Bibliothèque québécoise », sur livres-bq.com (consulté le 23 septembre 2022).
  2. Pierre Vadeboncœur, « Dix lettres de Jacques Ferron » in Études littéraires, p. 105
  3. Le Devoir. Décès du Dr Paul Ferron. Le 22 août 2007.
  4. Gauvreau, Luc. Décès du médecin Paul Ferron (1926-2007). Le 20 août 2007.
  5. http://archives.radio-canada.ca/arts_culture/litterature/dossiers/1636-11280/
  6. « CEAD - Jacques Ferron », sur cead.qc.ca (consulté le 23 septembre 2022).
  7. Gaspé-Mattempa, p 43
  8. ibid., p. 10
  9. « Retour du Dr Ferron en Gaspésie » - Journal le Phare « L'Autre Vision »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), 1er juillet 2005 (consulté le 23 septembre 2022).
  10. « Jacques Ferron, un écrivain engagé épris de liberté », sur ici.radio-canada.ca (consulté le 23 septembre 2022).
  11. Jean-François Nadeau, « Quoi de neuf, docteur? », sur Le Devoir, 20 avril 2020 (consulté le 23 septembre 2022).
  12. « Il y a 100 ans naissait Jacques Ferron | Mouvement national des Québécoises et Québécois » (consulté le 23 septembre 2022).
  13. « Ferron, Jacques | l'Encyclopédie Canadienne », sur thecanadianencyclopedia.ca (consulté le 13 décembre 2021).
  14. Michel Lapierre, « Jacques Ferron 30 ans plus tard », sur Le Devoir, 11 avril 2015 (consulté le 23 septembre 2022).
  15. « Recherche - L'Île », sur litterature.org (consulté le 23 septembre 2022).
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  17. Le Mythe d'Antée in Escarmouches, vol. 2, p. 34
  18. Hébert, Pierre, 1949-, Landry, Kenneth, 1945- et Lever, Yves, 1942-, Dictionnaire de la censure au Québec : littérature et cinéma, Fides, 2006 (ISBN 2-7621-2636-3 et 978-2-7621-2636-5, OCLC 63468049, lire en ligne), p. 36
  19. Donald Smith, « Hommage à Jacques Ferron » Accès limité, sur Érudit, automne 1985 (consulté le 23 septembre 2022).
  20. (Faiseur de contes, ibid., p. 29)
  21. Michelle Lavoie, « Jacques Ferron ou le prestige du verbe », Études françaises,‎ 1969 (lire en ligne)
  22. Jacques Ferron, « Les Deux Lys » in Conférence inachevée, p. 222
  23. « Jacques Ferron », sur Prix du Québec, 18 décembre 1977 (consulté le 12 décembre 2021).
  24. Jean-François Nadeau, « Au pays des contes de Ferron », sur Le Devoir, 15 octobre 2020 (consulté le 23 septembre 2022).
  25. Pierre-Luc Landry, « Du fond de mon arrière-cuisine de Jacques Ferron », Nuit blanche, magazine littéraire, no 144,‎ 2016, p. 30–32 (ISSN 0823-2490 et 1923-3191, lire en ligne, consulté le 23 septembre 2022)
  26. « Hommage à Jacques Ferron, le dédoublé », sur La Presse, 24 janvier 2021 (consulté le 23 septembre 2022).
  27. Fonds Jacques Ferron (MSS424) - Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).
  28. « À PROPOS – La Maison Jacques-Ferron » (consulté le 23 septembre 2022).
  29. Libéo, « Bibliothèque Jacques-Ferron », sur Ville de Longueuil (consulté le 23 septembre 2022).
  30. Libéo, « Centre culturel Jacques-Ferron », sur Ville de Longueuil (consulté le 23 septembre 2022).
  31. « Tourisme – Municipalité de Ste-Madeleine de la Rivière-Madeleine », sur stemadeleine.ca (consulté le 23 septembre 2022).
  32. Allen Cormier, « Politique culturelle de la MRC de la Haute-Gaspésie 2015-2020 » Accès libre .
  33. admin, « TNO Rivière-Bonjour – Voyage à travers le Québec » (consulté le 23 septembre 2022).
  34. Maximilien Laroche, « Nouvelles notes sur « le Petit Chaperon rouge » de Jacques Ferron », Voix et images du pays,‎ vol. 6, no 1, 1973, p. 103–110 (lire en ligne)
  35. « Nouvelles notes sur « le Petit Chaperon rouge » de Jacques Ferron », sur erudit.org, 1973 (consulté le 28 juin 2018).