Henri de Boulainvilliers

Henri de BoulainvilliersTitre de noblesse
Comte
Biographie
Naissance 21 octobre 1658
Saint-Saire
Décès 23 janvier 1722 (à 63 ans)
Paris
Formation Collège de Juilly
Activités Historien, astrologue, philosophe
Enfant Suzanne Marie Henriette de Boulainvilliers (d)
Blason

Henri, comte de Boulainvilliers, comte de Saint-Saire, né à Saint-Saire le 11 octobre 1658 et mort à Paris, paroisse Saint Eustache, le 23 janvier 1722, est un historien et astrologue français.

Il est un des premiers historiens à considérer l’art de gouverner comme une science. Sa pensée a été connue, réputée, discutée mais aussi annexée par ses contemporains comme Montesquieu, Voltaire, qui en fait un père de la libre pensée, ou encore Foncemagne (qui le qualifie d'illustre écrivain tout en le réfutant). Gobineau reprend sa théorie selon laquelle la noblesse française serait issue des envahisseurs germaniques, par opposition au peuple gallo-romain, à l'inverse de Joseph de Maistre qui réfute cette thèse.

Son patronyme connaît plusieurs orthographes,,.

Biographie

Officier de carrière jusqu’à la mort de son père survenue en 1697, Boulainvilliers se lance alors dans l’écriture. Il voulut être un homme de pensée et de plume et fut de fait un écrivain prolifique, comme Saint-Simon, et des inédits existent encore.

Le champ de ses curiosités est très vaste et excède de beaucoup le seul domaine de l’Histoire ou des polémiques politiques et sociales : religion, réflexions sur l’Ancien Testament, sur l’histoire juive, projet d’une vie de Mahomet, « astrologie judiciaire » qui impliquait l’astronomie, philosophie, et d’abord celle de la connaissance, du pyrrhonisme au spinozisme,.

Cet encyclopédisme ne veut pas dire que Boulainvilliers se soit désintéressé des affaires publiques. Il fut à deux reprises membre des cercles influents qui aspiraient au pouvoir : les précepteurs du duc de Bourgogne (Fénelon, Beauvilliers), entre 1700 et 1712, puis les amis du duc de Noailles au tout début de la Régence. C’est à la demande de ses amis qu’il entreprit d’écrire mais ses écrits ne furent publiés, et fort mal, qu'après sa mort dans les années 1730 : manuscrits et impressions sont si embrouillés qu’il est difficile d’en établir la chronologie. Ses œuvres portent une contestation de la politique royale interdite en France et ne furent publiés qu'en Hollande.

Boulainvilliers a été un auteur prolifique, mais la paternité de certains des ouvrages qui lui sont attribués est parfois contestée :

« Tout ce qui est imprimé sous le nom du comte de Boulainvillier n’est pas sorti de sa plume, ses ouvrages qu’il communiquait volontiers à ses amis ont été copiés dans des tems différents et plusieurs avant qu’il les eut retouchés… La réputation qu’il s’estoit acquise a fait mettre sous son nom plusieurs traités qu’il n’a ni composez ni revûs. »

Il a réalisé la première traduction française de l’Éthique de Spinoza, le manuscrit resté inédit jusqu’en 1907 est conservé à la bibliothèque municipale de Lyon (cote ms. 5165).

Il fut malheureux en famille, eut un procès interminable contre son père, remarié avec une servante et reçut des secours du Régent pour éviter la chute de sa maison. Obligé d’abandonner la carrière des armes, déplorant les mésalliances de la noblesse, il maria néanmoins la seconde de ses filles à Gabriel Bernard, comte de Rieux, fils du banquier Samuel Bernard.

Pensée politique et historique

  • L’essentiel des œuvres historiques et politiques de Boulainvilliers atteste :
    • une information non négligeable, allant de la lecture et de la discussion de textes d’époque mérovingienne jusqu’à celle des historiens les plus récents comme François Eudes de Mézeray et le père Gabriel Daniel ;
    • une très vigoureuse et personnelle vision de l’histoire de la monarchie française : origine des trois races royales, caractère électif ou héréditaire de la monarchie, rapports du monarque avec les assemblées générales, place respective des trois ordres dans les états généraux, apparition des parlements, apparition sous les Carolingiens de la féodalité ou système des fiefs (peut-être un néologisme qu’on lui devrait), sa décadence et sa disparition progressive depuis Philippe Auguste, Saint Louis et surtout Louis XI, les usurpations royales engendrant le despotisme ministériel, la corruption de l’ancienne noblesse militaire par la Cour, l’argent, le pouvoir.
  • L’originalité est plus dans le ton modéré et moralisant et dans l’argumentation historique que dans la thèse même ; les options politiques de Boulainvilliers se rapprochent de celles de Fénelon et d’Argenson : elles consistent en la défense d'un anti-absolutisme aristocratique, passéiste et partisan des libertés françaises. Pénétré d’idées aristocratiques, Boulainvilliers fut un ardent défenseur du système féodal, le seul, à ses yeux, juste, légitime et conforme à la réalité historique. Il fut le principal représentant du courant idéologique de réaction féodale au XVIIIe siècle qui a envisagé les institutions médiévales comme une république fédérative et aristocratique, plutôt que monarchique. Boulainvilliers exalte l’ancienne noblesse militaire relativement appauvrie, étrangère à la Cour et aux bureaux dont l’histoire séculaire était le garant d’un bon gouvernement.
  • Boulainvilliers identifie les causes principales à la décadence de la noblesse.
    • Il fait remonter le début de ce déclin aux Croisades, pour lesquelles nombre de nobles auraient hypothéqué ou vendu leurs biens à des plébéiens aisés. En s’introduisant, à cette occasion, dans la noblesse, ces derniers, qu’il qualifiait d’« ignobles » c'est-à-dire étymologiquement non nobles sans connotation péjorative, la corrompirent.
    • Ensuite, l’ignorance et la négligence des seigneurs rendant la justice les forcèrent à se décharger des fonctions judiciaires, dont ils étaient les dépositaires légitimes, sur des clercs et des juristes, la dignité intrinsèque à ce rôle les rendant bientôt aussi importants que ceux au nom desquels ils rendaient la justice. Boulainvilliers considérait la nouvelle « noblesse de robe » née de cette circonstance comme une « monstruosité ».
    • Il y avait enfin la politique de la monarchie capétienne, qu’il considère comme le fossoyeur du féodalisme. Il tenait la monarchie française pour responsable du déclin progressif des privilèges de la noblesse, parallèlement à la montée de la bourgeoisie. Les Capétiens affaiblirent d’abord le pouvoir de la noblesse française, éblouie par le brillant de la Cour, en ajoutant de grands fiefs au domaine royal. En résultat, les rois assumèrent une importance jusque-là inconnue d’eux et bientôt entièrement disproportionnée. Les seigneurs seraient alors devenus les serviteurs de ceux dont ils avaient été les pairs. L’admission au rang de la noblesse de bureaucrates plébéiens qui n’y avaient nul droit, puis celle du Tiers état aux États généraux, aurait, selon lui, achevé de consommer le renversement de la noblesse. Les rois de France, en créant les grands fiefs et les apanages, détruisirent l'égalité originelle de la noblesse qu'ils diluèrent également en procédant à de nombreux et perpétuels anoblissements.

Origine de la noblesse

Postérité

Des détracteurs de cette vision pourraient dire que les analyses de Arendt ou Foucault ne cherchent pas à établir ou déterminer une responsabilité chez tel ou tel auteur, mais utilisent la méthode généalogique pour permettre de comprendre les racines historiques des concepts modernes. En soulignant la filiation des idées de Boulainvilliers avec les théories racistes modernes, ils ne voulaient aucunement accuser Boulainvilliers de les penser, ce qui serait de toutes manières anachronique au vu de cette méthode généalogique qui soutient qu'on ne peut utiliser des concepts du XXe siècle pour analyser le XVIIIe siècle, mais expliquer sur quels concepts existants elles se sont appuyées pour se solidifier et prospérer.

Astrologie

Boulainvilliers a aussi été un astrologue, mais ses ouvrages d'astrologie ont été interdits de publication de son vivant. Son Traité d'astrologie. Pratique abrégée des jugemens astronomiques sur les natiuités, écrit en 1717, reprend le titre et l'ordre du manuel d'astrologie d'Auger Ferrier de 1550, tout en tenant compte de la nouvelle place assignée au soleil, au centre des planètes (héliocentrique). Pour le rédiger Boulainvilliers a compulsé plus de deux cents ouvrages. Il a circulé sous forme de manuscrit pendant plus de deux siècles et n'a été publié qu'en 1947. Il semble ne subsister de cet ouvrage que trois exemplaires manuscrits, dans les bibliothèques publiques (deux à la Bibliothèque Nationale et un à la BM d'Angoulême).

Famille

Origines

Il est issu d'une famille noble de seigneurs picards attestés depuis le XVe siècle (seigneurs de Boulainvilliers et Bézencourt à Hornoy, et de Chepoix ; aussi de Verneuil-sur-Oise, que Thibaud de Boulainvilliers, père de Philippe Ier et grand-père de Perceval, aurait acquis en avril 1415 ; et vicomtes d'Aumale, peut-être par le mariage qu'un Jean (Ier)/Robert de Boulainvilliers aurait contracté vers 1310 avec Marguerite, fille de Jean II d'Harcourt et Jeanne de Châtellerault : or cette dernière était la fille d'Aymeri II de Châtellerault et d'Agathe de Lillebonne, fille de Simon de Dammartin, comte d'Aumale et de Ponthieu),

Mariage et descendance

Henri de Boulainvilliers se marie deux fois :

Il épouse à Paris le 26 septembre 1689 Marie Anne Henriette Hurault du Marais, morte à Saint-Saire le 28 septembre 1696 à environ 36 ans, fille de Charles Hurault, comte du Marais, maréchal de camp, et d'Anne Berryer.

Dont quatre enfants :

Veuf, Henri de Boulainvilliers se remarie en 1710 avec Claude Catherine d'Alègre, morte à Paris le 1er et inhumée avec son époux dans l'église Saint-Eustache, le 2 septembre 1723, fille de Jean, comte d'Alègre, marquis de Beauvoir, et de Marie Madeleine Françoise du Fresnoy. Sans postérité.

Œuvres

Éditions modernes

Bibliographie

Hommages

Notes et références

Notes

  1. Il existe une rue et une gare de Boulainvilliers à Paris, mais elles doivent leur nom à Anne Gabriel de Boulainvilliers (1724-1798), prévot de Paris de 1766 à 1792, et non pas à Henri de Boulainvilliers.
  2. Mme R. Simon dit que Boulainviller est l'orthographe exacte, celle de la signature et celle de l'épitaphe de la famille dans l'église de Saint-Saire", Traité d'Astrologie par le comte Henry de Boulanviller (1717), Garches, 1947, p. VII, note.
  3. Il accumule notes et extraits sur Spinoza, dont il discute longuement avec Fréret.

Références

  1. Nicolet 2003, p. 68.
  2. Voltaire, Le Dîner du comte de Boulainvilliers (1767). Voir Le Siècle de Louis XIV, p. 924 : « Le célèbre comte de Boulainvilliers. »
  3. Foncemagne, « Examen critique d'une opinion de H. le Comte de Boulainvilliers sur l'ancien gouvernement de la France », Mémoires de l'Académie des Inscriptions, X (1732), p. 525.
  4. Cahiers Astrologiques no 12 (nouvelle série), novembre-décembre 1947, page 360.
  5. Nicolet 2003, p. 69.
  6. Nicolet 2003, p. 70.
  7. Bibl. du Sénat, ms. 985. II
  8. Nicolet 2003, p. 72.
  9. Nicolet 2003, p. 81-82.
  10. Nicolet 2003, p. 73.
  11. Nicolet 2003, p. 75-76.
  12. Nicolet 2003, p. 79.
  13. Nicolet 2003, p. 77.
  14. Nicolet 2003, p. 84.
  15. Nicolet 2003, p. 80.
  16. Nicolet 2003, p. 81.
  17. Nicolet 2003, p. 86.
  18. Nicolet 2003, p. 82.
  19. Nicolet 2003, p. 83.
  20. Nicolet 2003, p. 83-84.
  21. Nicolet 2003, p. 89.
  22. Nicolet 2003, p. 88.
  23. Nicolet 2003, p. 85.
  24. Élie Carcassonne, Montesquieu et le problème de la constitution française, p. 478 et suivantes.
  25. Nicolet 2003, p. 87.
  26. « Maison de Boulainvilliers, p. 2-4 et 11-14 », sur Racines & Histoire, par Etienne Pattou, 2019 et 2022
  27. « Philippe de Boulainvilliers, fils de Jean/Perceval, p. 56-59 », sur Trois capitaines de Pierrefonds au XVe siècle, par Paul Fleuret, 1914
  28. « La seigneurie de Malassise, p. 111-113 », sur Historique des seigneuries de Laversine et Malassise (à St-Maximin et Aigremont), par Gustave Macon, chez Vignon à Senis, 1919 ; mis en ligne par BnF-Gallica
  29. « Jean de Chabannes, comte de Dammartin, p. 289-334 », sur Histoire de la Maison de Chabannes, t. II, par le comte Henri de Chabannes, chez Eugène Jobard, à Dijon, 1894
  30. Comte Henri de Vibraye, Histoire de la Maison Hurault, Paris, H. de Chabot, 1972, 2e éd., 240 p., 24 cm (OCLC 723619), p. 147.
  31. Inventaire après le décès d'Henri de Boulainvilliers, le 13 février 1722 devant Jean Le Masle, notaire à Paris (Archives Nationales, MC, Et. XIV/255).
  32. « Portrait de la marquise de Sesmaisons », sur Louvre - Les Collections du département des Arts graphiques, 27 septembre 2018 (consulté le 20 décembre 2018)
  33. Vicomte de Poli, « Vieux Us et coutumes, Billets d'obsèques et lettres de faire part », Annuaire du Conseil Héraldique de France,‎ 1897, p. 140
  34. Comte Albert de Remacle, Dictionnaire généalogique, Familles d'Auvergne, tome 3, Clermont-Ferrand, ARGHA, 1995 (ISBN 2-9503286-5-2), p. 442
  35. « Essai de métaphysique dans les principes de Benoît de Spinoza », sur philosophie-clandestine.huma-num.fr (consulté le 29 janvier 2021)
  36. François Moureau, « Essai de métaphysique », La Lettre Clandestine,‎ 2006, p. 397 (ISSN 1242-3912)

Liens externes