Giammaria Ortes

Giammaria Ortes Description de l'image Ortes.jpg.

Données clés
Naissance 2 mars 1713
Venise (République de Venise)
Décès 22 juillet 1790 (à 77 ans)
Nationalité Italien
Données clés
Domaines Religieux, Économie, Démographe
Renommé pour École classique, Pré-Malthusianisme
Errori popolari intorno all'economia nazionale e al governo delle nazioni, 1999

Giammaria Ortes (né le 2 mars 1713 à Venise et mort le 22 juillet 1790) est un intellectuel italien du XVIIIe siècle.

Il fait partie des pré-malthusiens et le présente comme un personnage intègre, indépendant et généreux, à la recherche des moyens d'augmenter le bonheur humain, un auteur « dont les sympathies s'orientaient vers les pauvres plutôt que vers les riches et les puissants. À travers toute son œuvre, nous le voyons régulièrement plaider en faveur d'une distribution plus égale du revenu, condamnant les inégalités de richesses et les guerres. Certains savants voient en lui un précurseur du socialisme ».

Intellectuel curieux et voyageur (il a visité Berlin, Vienne et Londres), sans l'anticléricalisme qui a pu caractériser les philospophes français, il produit des écrits qui s'opposent aux idées dominantes de l'époque, en particulier à propos de la natalité et du mariage ; peut être en réaction contre les « mercantilistes » qui voulaient alors accroître la population au moyen de primes au mariage. Ortes pensaient que de telles primes ne pouvaient qu'aggraver la mortalité et non faire croître la population (strictement selon lui déterminée par la production).

Biographie

Le couvent San Mattia di Murano où le jeune Giammaria a fait ses études et où il a prononcé ses vœux le 6 mars 1729, avant d'en sortir en septembre 1734 pour continuer à étudier, dont avec Guido Grandi à Pise (ville universitaire dynamique) au monastère de San Michele di Borgo.
Dessin et lavis réalisé par Giacomo Guardi (1764–1835).

Né d'un père vénitien artisan verrier (dirigeant un atelier de perles de verre dites « contrarie »), dans une famille très religieuse (ses 3 frères et ses 2 sœurs sont tous entrés dans les ordres), le jeune Giammaria et passionné de musique et de poésie (il invente et écrit à 12 ans une petite pièce ; un drame sur les amours d'antiochus et de Stratonice). Très jeune (à 14 ans) il entre l'ordre camaldule (bénédictin), dans au Monastère de San-Mattia de Murano à Venise,, Il s'y décrit dans ses mémoires comme flegmatique. Il sort finalement des ordres ecclésiastiques à l'âge de 28 ans.
Il devient alors économiste, démographe essayiste indépendant. Il a entretenu un correspondance épistolaire avec Johann Adolf Hasse.

Il publie principalement :

Les propositions d'Ortes

Ortes a calculé pour son époque que la terre ne pouvait pas nourrir plus de trois milliards d'hommes, et il a estimé la population effective de son époque à un milliard, mais condamnée à croître excessivement sans régulation externes ou internes. Dans un monde idéal selon lui, une fois un optimum atteint (avant de dépasser la capacité maximale de la nation à assurer la subsistance de tous), la moitié de la population ne devrait pas travailler, et un célibat volontaire vertueux choisi par la moitié de cette même population pourrait diviser par deux la natalité naturelle. À la différence de Machiavel, il ne croit pas que l'invasion, la colonisation d'autres pays ou l'émigration soit une solution durable, et à la différence de Malthus, il pense qu'il faut aider et défendre les pauvres et les faibles.

Ortes estime en conséquence que l'humanité peut et doit s'auto-limiter pour ne pas dépasser les limites d'une croissance déraisonnable.

Bien que sorti des ordres, Ortes restera lui-même croyant pratiquant. Il présente le Célibat sacerdotal comme un exemple de modèle bénéfique et vertueux.

Pour cela, le servage et l'impôt arbitraire et superflu doivent être abolis, de même que les encouragements arbitraires des gouvernements à la natalité (par les primes au mariage), ainsi que les visées expansionnistes des États (conquérir de nouveaux territoires n'accroit que provisoirement la richesse moyenne par habitant rapidement perdue par un accroissement rapide de la population)... Ceci devrait se faire au profit d'encouragements à la charité et à un partage plus équitable des richesses. Il pensait comme Malthus après lui, que les pauvres devraient moins se reproduire et qu'il est du devoir des États de les aider à être moins pauvres (Principe de charité).

La natalité n'est dans ses ouvrages conçue que dans le cadre du mariage, ce qui est en accord avec le contexte catholique dominant de l'époque.

Critique

De nombreux auteurs estimeront que le progrès, l'intensification de l'agriculture et des productions manufacturières, ou l'accès à de nouvelles ressources encore inconnues, dont immatérielles font que la population n'est pas totalement dépendante de la production. Au contraire, pour Ortes : « Le capital de biens que j'ai exposé dans l'Économie nationale résulte des efforts conjugués des hommes. Dans la mesure où ce capital de biens s'accroît, demeure constant ou diminue, la population de la nation s'accroîtra, demeurera constante ou diminuera » ; ce qui peut varier selon les nations et leur gouvernance est la répartition du revenu et de la propriété, mais non le revenu moyen par tête.

Théorie socio-économico-démographique

À une époque où les moyens de contraception étaient très limités, et interdits ou découragés par la religion (hormis le célibat pour les religieux eux-mêmes), Ortes estime qu'il y a un lien fort entre démographie et production et partage des richesses et du capital d'une nation. Il estime que la tendance naturelle théorique est une croissance géométrique de la population : Il illustre son propos d'un exemple théorique du devenir d'une population initiale de 7 personnes (de 3 générations différentes, une génération moyenne correspondant à 30 ans dans son hypothèse) : un grand-parent, deux parents et quatre enfants formeront deux couples : chaque couple fait six enfants (dont deux mourront avant l'âge de vingt ans conformément aux statistiques de l'époque), alors que le grand-parent sera lui aussi décédé. Des huit enfants survivants, en présumant un nombre égal de garçons et filles se marieront environ 30 ans après le mariage de leurs parents. À la date du mariage de ces enfants survivront : deux grands-parents, quatre enfants et huit enfants mariés et prêts à procréer. S'ensuit une progression géométrique de la population.

Ortes sait qu'une telle progression (mathématiquement géométrique) n'a pas eu lieu dans le passé de l'humanité, ou uniquement sur de brèves périodes, car si la population avait grandi sans contraintes de cette manière depuis la date alors estimée de la création (6 000 ans plus tôt, dans on hypothèse) il n'y aurait au XVIIIe siècle déjà plus assez d'espace pour que tous les humains puissent être debout sur les terres émergées « Nous recouvririons la surface entière du globe, depuis les vallées les plus profondes jusqu'au sommet des plus hautes montagnes, entassés comme des harengs saurs dans leur caque »).

Ortes estime que ces différents facteurs cumulés expliquent que l'humanité n'a jamais pu dépasser trois milliards d'humains vivants, alors qu'avec son exemple de population initiale de sept individus aurait pu (sans aucun frein) atteindre ce chiffre au bout de seulement 840 ans.

Contexte social, intellectuel et littéraire

Ces préoccupations pourraient selon Hans Overbeek venir du fait qu'Ortes vivait à Venise, un État-cité disposant de territoires limités, incapable d'autoproduire ses ressources alimentaires, en déclin (pour son influence, sa construction navale et son industrie textile devenue moins concurrentielles), et demeurant totalement dépendant du commerce international, alors qu'après les périodes difficiles de la peste noire) et des guerres contre les Turcs, sa population recommençait à croître (passée de 134 800 habitants en 1581 à 2 464 304 habitants en 1790 selon K. L. Běloch, soit environ 18 fois plus de bouches à nourrir et de personnes à loger) ; Ce siècle est aussi celui d'une remise en question du mercantilisme par des philosophes qui - parfois dans la lignée des utopistes des lumières - s'intéressent au bien commun, à l'intérêt général et au bonheur individuel.

Publications

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Notes et références

  1. Acte de baptême est conservé aujourd'hui à San Francisco délia Vigna
  2. Dizionario biografico degli italiani
  3. Hans Overbeek, Un démographe prémalthusien au XVIIIe siècle : Giammaria Ortes ; Population : 1970 ; Volume 25, no 3, p.  563-572
  4. A. Ugge, « La Teoria Delia Populazione di Giammaria Ortes », Giornale degli Economisti e Rivista di Statica (1928), p. 60-71.
  5. Mémoires autographes bibliothèque du Musée civique Correr de Venise, Mss Cicogna, no 2658, édités par E. Cicogna, Trattatelli inediti di Giammaria Ortes veneziano, portogruaro, 1853 p. 9-14
  6. Gianfranco Torcellan, Un économiste du XVIIIe siècle : Giammaria Ortes, juin 1969 ; 108 pages, Librairie Froz, Genève-Paris
  7. Johann Adolf Hasse e Giammaria Ortes lettere (1760-1783) ; edizione e commento, Livia Pancino. ; 1998 b; Ed: Brepols, Turnhout(texte en italien)
  8. G. Ortes, Riflessioni sulla Populazione dell Nazioni per Rapporte all'Economia Nazionale ; Milano, Destefanis (édition 1934)
  9. p. 567
  10. G. Ortes, Riflessioni sulla Populazione dell Nazioni per Rapporte all'Economia Nazionale ; Milano, Destefanis (Ed 1934) p. 28.
  11. K. L. Běloch, Bevôlkerungsgeschichte Italiens ; Berlin : De Gruyter, 1961. Vol. 3,
  12. C'est l'époque de la publication de Libertalia dans l'Histoire générale des plus fameux pyrates de Daniel Defoe en 1724 ; de L'Île des esclaves et de La Colonie de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, en 1725 ; de Voyage au pays de Houyhnhnms, quatrième des Voyages de Gulliver, de Jonathan Swift, en 1726 ; de l'Eldorado (in Candide, Chapitre XVIII de Voltaire, en 1759 ; de La Vérité, ou le Vrai système de Léger Marie Deschamps (vers 1750-1760) ; du Pays des Gangarides dans La Princesse de Babylone de Voltaire, en 1768 ; de L'an 2440 de Louis Sébastien Mercier, 1786 (2de édition) ; de Paul et Virginie de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre en 1789 ou encore de l'ile de Tamoé dans Aline et Valcour (Histoire de Sainville et de Léonore) du Marquis de Sade, 1795