Aluette

Aluette
Jeu de société Description de cette image, également commentée ci-après La vache, 2 de coupe Ce jeu appartient au domaine public
Autre nom Jeu de la vache
Date de 1re édition XVIe siècle ?
Format jeu de cartes
Mécanisme levées
Joueur(s) 4 ou 6
Âge À partir de 8 ans
Durée annoncée environ 45 min
Données clés
habileté
physique

 Non
 réflexion
décision

 Oui
générateur
de hasard

 Oui
info. compl.
et parfaite

 Non

L'aluette, le jeu de la vache ou la vache est un jeu de cartes pratiqué dans l'ouest de la France.

C'est un jeu de cartes par levées, pratiqué par quatre personnes – deux contre deux – avec quarante-huit cartes aux enseignes espagnoles. Il se joue avec des signes codifiés, qui permettent aux coéquipiers de se communiquer des informations sur leurs cartes durant la partie.

On dit « jouer à l'aluette » (registre plus formel) ou « jouer à la vache » (forme plus informelle), d'après le nom de l'une des cartes du jeu.

Origines et évolution

Étymologie

La forme la plus ancienne du mot « aluette » est « luette », dont l'origine reste incertaine. Un « jeu des luettes » est mentionné trois fois par Rabelais dans son œuvre : une première fois dans Pantagruel (1532) puis dans Gargantua (1534), enfin dans le Cinquième livre (qui n'est qu'attribué à Rabelais), au chapitre 22 (1564) sans qu'il soit possible de déterminer sans ambiguïté qu'il s'agit du jeu de cartes. Et ce d’autant plus que le dictionnaire français-anglais de Randle Cotgrave (1611), très attentif au vocabulaire rabelaisien, indique, au mot « luettes » : « Little bundle of peeces of Ivorie cast loosse upon a table ; the play is to take up one without shaking the rest, or else the taker looseth. »

L'évolution par fausse-coupe de « la luette » aurait ensuite donné « l'aluette », et les explications de type « alouette » ou « sans luette » – l'utilisation des signes rendrait le jeu muet, ce qui est faux – ne semblent pas être vraisemblables.

Le Code des Jeux indique : « Le jeu de l'aluette doit son nom au participe celtique al luet, le trompé. »
Mais l'auteur Claude Aveline ne mentionne aucune référence à l'appui de cette hypothèse.

Cartes

Les cartes utilisées sont les cartes aux enseignes espagnoles, telles qu'on les faisait à Thiers, en Auvergne, jusqu'au XVIIe siècle, pour le marché espagnol. Les enseignes espagnoles sont les deniers, les coupes, les bâtons et les épées. Ces cartes sont attestées en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, époque à laquelle les cartiers français, surtout de Thiers, les exportaient vers l'Espagne via Nantes. Après 1700, des cartiers installés à Nantes les fabriquent aussi. Elles sont au nombre de quarante-huit : du 1 (As) au 9, le valet, la cavalière (ou reine) et le roi.

Le dessin des cartes a suivi une longue évolution, pour être fixé au début du XIXe siècle. Les plus fortes cartes du jeu (les luettes, les doubles et les as) ainsi que quelques faibles cartes présentent des portraits et des symboles caractéristiques, ce qui fait que le jeu de cartes est spécifique à la règle de l'aluette et est donc vendu sous ce nom. Toutefois, rien n'interdit de jouer avec un jeu espagnol si les cartes sont suffisamment bien connues des joueurs. Et comme le fait remarquer le Code des jeux, on peut à la rigueur jouer avec un jeu aux enseignes françaises en retirant les 10 et en convenant d'une correspondance entre enseignes.

Règles

L'origine des règles du jeu d'aluette reste inconnue. Deux hypothèses s'opposent :

Les règles du jeu d'Aluette ont évolué au cours des siècles. La caractéristique la plus fondamentale est qu'il est un jeu de levées pour les levées, sans atout et où la couleur est indifférente (proche, ainsi de la bataille). L'utilisation de mimiques est le trait le plus visible du jeu mais pas le plus essentiel. Des jeux de cartes aux règles très différentes les emploient:

Toutefois, le trut ou le truc, jeu signalé dans l'ouest de la France dès le XVIe siècle, connu aussi en Catalogne et en Amérique du Sud (truco), partage avec l'aluette le même mécanisme et la même structure de règles. Il est possible que ces deux jeux aient un ancêtre commun.

Pratique

L'aluette est traditionnellement pratiquée dans les zones rurales et côtières entre la Gironde et l'estuaire de la Loire, c'est-à-dire dans la région Pays de la Loire et l'ex-région Poitou-Charentes, et particulièrement en son centre, dans les départements de la Vendée et de la Loire-Atlantique, par conséquent, La Roche-sur-Yon et Les Sables-d'Olonne dans la Vendée, et Nantes et Saint-Nazaire dans la Loire-Atlantique, y deviennent les villes principaux de la pratique du jeu. Elle était également pratiquée en Bretagne et à Saint-Pierre et Miquelon.

Elle est jouée en famille, en tournois, dans des associations, ou abondamment dans les cafés jusque dans les années 1960. On y jouait alors encore autour de la Brière et en presqu'île guérandaise. Elle était beaucoup jouée également dans les ports du Cotentin, où sa pratique a disparu.

Règles du jeu

But du jeu

Les cartes

un 3 de coupe (Madame) du début du XIXe siècle un 2 de denier (le Borgne) du début du XIXe siècle
un as d'épée du début du XIXe siècle un 5 de denier (Bise-dur) du début du XIXe siècle

Les quatre couleurs (deniers, coupes, épées, bâtons) sont de même force et il n'y a pas d'atout.

Les quarante-huit cartes, de la plus forte à la moins forte, se classent en quatre catégories :

Les « luettes » :

Les « doubles » :

16 figures : as, rois, dames (cavalières), valets.

24 cartes faibles (les « bigailles ») : du 9 au 3 (sauf le 3 de denier, le 3 de coupe, le 9 de coupe et le 9 de denier). À noter que « bigaille » signifie « menue monnaie » en poitevin-saintongeais et en gallo.

Le 5 de denier est appelé « bise-dur », sans que la carte ait une valeur particulière. Il représente un couple s'embrassant ou s'enlaçant, selon les époques.

Les signes

À chacune de ces cartes est associée une mimique (il existe des variantes régionales) destinée à faire connaitre son jeu à son partenaire :

Les signes les plus utilisés sont souvent l'As (ouvrir la bouche ou donner autant de coup de langue qu'on dispose d'As), la Vache (moue), le Borgne (clin d'œil) et Monsieur (sourcils levés). Les autres sont dits avec « au-dessus », ou « au-dessous ». On peut utiliser « au-dessus de là-dessus » et « en dessous de là-dessous » pour signifier une différence de deux niveaux avec le signe annoncé, parfois combiné avec « après ». Certains ferment les yeux pour indiquer qu'ils possèdent Monsieur et Madame.

Exemples : as, roi, Deux de chêne : (coup de langue), et annoncer « en dessous et au-dessus de là-dessus ». Deux d'écrit et un as : petit doigt (Petit Neuf), et annoncer « en dessous de là-dessous et en dessous après ».

Un jeu faible ou très faible se signale par le signe « misère », qui consiste à lever plus ou moins l'épaule ou faire une grimace. Si le partenaire n'est pas mieux loti, l'équipe peut décider de donner le point sans jouer.

Déroulement de la partie

Mordienne

Intérêt du jeu

L'aluette est aujourd'hui un jeu délaissé et on ne peut manquer de noter que sa disparition pourrait suivre de peu celles des patois Poitevin et Saintongeais. Ce jeu a pourtant des qualités spécifiques qui pourrait lui valoir un regain d'intérêt :

Constatant le renouveau des jeux de société depuis la fin des années 1990, on peut estimer que l'aluette pourrait trouver sa place auprès du public entre le tarot et Jungle Speed, par exemple.

Dans le film Habemus Papam (2011) de Nanni Moretti, les cardinaux jouent aux cartes avec un jeu d'aluette.

Exemple

Enseignes Aluette
Variante Épée Coupe Denier Bâton
Aluette

Les images suivantes proviennent d'un jeu d'aluette édité par Grimaud dans la 2e moitié du XIXe siècle :

As 2 3 4 5 6 7 8 9 Valet Cavalier Roi
Bâtons
Deniers
Épées
Coupes

Voir aussi

Bibliographie

Étymologie et langue Règles Origines et évolution

Liens externes

Notes et références

  1. Pantagruel, chapitre 5 : « Ainsi s'en retourna non pas à Poictiers, mais il voulut visiter les aultres universitez de France, dont passant à la Rochelle se mist sur mer & s'en vint à Bourdeaulx, mais il n'y trouva pas grant exercice, sinon des gaubarriers à iouer aux luettes sur la grave » (Pantagruel ne trouva pas grand exercice à Bordeaux sinon des gabarriers jouant aux luettes sur la grève)
  2. Gargantua, chapitre 20 : « Puis le verd estendu l'on desployait force chartes, force dez, & renfort de tabliers. Là iouyoit au fleux, au cent, à la prime, à la vole, à le pille, à la triumphe : à la picardre, à l'espinay, à trente & un, à la condemnade, à la carte virade, au moucontent, au cocu, à qui a si parle, à pille: nade: iocque: fore, à mariage, au gay, à l'opinion, à qui faict l'un faict l'autre, à la sequence, aux luettes, au tarau, à qui gaigne perd, au belin, à la ronfle, au glic, aux honneurs, à l'amourre, aux eschetz, au renard, aux marrelles, aux vasches, à la blanche, à la chance, à troys dez, aux talles, à la nicnocque. À lourche, à la renette, au barignin, au trictrac, à toutes tables, aux tables rabatues, au reniguebleu, au force, aux dames : à la babou, à primus secundus, au pied du cousteau, aux clefz, au franc du carreau, à par ou sou, à croix ou pille, aux pigres, à la bille, à la vergette, au palet, au iensuis, à fousquet, aux quilles, au rampeau, à la boulle plate, au pallet, à la courte boulle, à la griesche, à la recoquillette, au cassepot, au montalet, à la pyrouete, aux ionchées, au court baston, au pyrevollet, à cline musseté, au picquet, à la seguette, au chastelet, à la rengée, à la souffete, au ronflart, à la trompe, au moyne, au tenebry, à l'esbahy, à la foulle, à la navette, à fessart, au ballay, à sainct Cosme ie viens adorer, au chesne forchu, au chevau fondu, à la queue au loup, à pet en gueulle, à guillemain baille my ma lance, à la brandelle, au trezeau, à la mousche, à la migne migne beuf, au propous, à neuf mains, au chapifou, aux ponts cheuz, à colin bridé, à la grotte, au cocquantin, à collin maillard, au crapault, à la crosse, au piston, au bille boucquet, aux roynes, aux mestiers, à teste à teste bechevel, à laver la coiffe ma dame, au belusteau, à semer l'avoyne, à briffault, au molinet, à defendo, à la virevouste, à la vaculle, au laboureur, à la cheveche, aux escoublettes enraigées, à la beste morte, à monte monte l'eschelette, au pourceau mory, à cul sallé, au pigeonnet, au tiers, à la bourrée, au sault du buysson, à croyzer, à la cutte cache, à la maille bourse en cul, au nic de la bondrée, au passavant, à la figue, aux petarrades, à pillemoustard, aux allouettes, aux chinquenaudes. »
  3. « Au fond d’iceluy j'apperceu forces dez, cartes, tarots, luettes, eschetz et tabliers. »
  4. R. Cotgrave, A dictionarie of the French and English tongues, Londres, 1611. voir sur Gallica
  5. Claude Aveline, Marcel Boll et Marcel Defosse, Le code des jeux, Paris, Hachette, 1961, 590 p. (lire en ligne), p. 167, consulté le 10 janvier 2014.
  6. « Ol ée la respondation de Talebot », dans La Gente poitevinrie tout de nouveau racoutrie, ou Tabelot bain, et bea (1572), cf. Jacques Pignon, éd., La Gente poitevinrie : recueil de textes en patois poitevin du XVIe siècle, Paris, 1960, réimp. La Crèche, 2002, IV. Étienne Tabourot mentionne aussi le jeu dans son « Sonnet amphibologique » (1570), cf. Bigarrures (1583), I, 6.
  7. « Tournoi de vache à La Pinte, en septembre », sur ouest-france.fr, 21 juillet 2014 (consulté le 11 décembre 2015)
  8. « CLUB DE CARTES D'ALUETTE DU CANTON DE PLOUBALAY », sur net1901.org, 6 août 2007 (consulté le 11 décembre 2015)
  9. Patrice Brasseur, Jean-Paul Chauveau, Dictionnaire des régionalismes de Saint-Pierre et Miquelon, Tübingen, Max Niemeyer Verlag Gmbh, 1990 s.v. "aluette".
  10. « Aluette. Un jeu de cartes du Moyen Âge encore joué », sur letelegramme.fr, 14 mars 2012 (consulté le 11 décembre 2015)
  11. Dans les jeux anciens, la ville d'impression du jeu était indiqué sur cette carte.
  12. Jeu d'aluette sur Gallica