Éruption solaire

Une éruption solaire ou éruption chromosphérique, couramment — mais improprement — qualifiée de tempête solaire, est un événement primordial de l'activité du Soleil. La variation du nombre d'éruptions solaires permet de définir un cycle solaire d'une période moyenne de 11,2 ans.

Éruption solaire, avec panaches émis en anneau. L'activité solaire la plus importante jamais enregistrée à cette époque, imagée par Skylab, en 1973. Le diamètre maximal de la protubérance est supérieur à la distance séparant la Terre de la Lune. Image d'une éruption solaire prise par le satellite TRACE de la Nasa. Éruption, avec éjections en longs filaments. Craquelure et zones d'éjections. La longueur de la structure active dépasse l'équivalent de la distance Terre-Lune. La tache brillante au centre (point chaud) émet une grande quantité d'ultraviolets.

Elle se produit périodiquement à la surface de la photosphère et projette au travers de la chromosphère des jets de matière ionisée qui se perdent dans la couronne à des centaines de milliers de kilomètres d'altitude. Elle est provoquée par une accumulation d'énergie magnétique dans des zones de champs magnétiques intenses, au niveau de l'équateur solaire, probablement à la suite d'un phénomène de reconnexion magnétique.

La durée d'une éruption solaire dépend beaucoup de la longueur d'onde utilisée pour son calcul, car les rayonnements à différentes longueurs d'onde sont émis par différents processus et à différentes altitudes dans l'atmosphère du Soleil. Une mesure courante de cette durée est la largeur à mi-hauteur du pic du flux de rayons X mous dans les bandes de longueur d'onde 0,05–0,4 et 0,1–0,8 nm (0,5–4 et 1–8 Å), mesurée par le satellite géostationnaire GOES. En utilisant cette mesure, la durée d'une éruption varie de quelques dizaines de secondes à plusieurs heures, avec une durée médiane d'environ 6 et 11 minutes dans les bandes 0,05–0,4 et 0,1–0,8 nm, respectivement,.

La fréquence d'apparition des éruptions solaires varie en fonction du cycle solaire de 11 ans. Elle peut aller de plusieurs par jour près du maximum solaire à moins d'une par semaine près du minimum. Les éruptions les plus puissantes sont par ailleurs moins fréquentes que les plus faibles ; par exemple celles de classe X10 se produisent environ huit fois par cycle, tandis que celles de classe M1 se produisent environ 2 000 fois pendant le même temps. En 1984, Erich Rieger (en) et al. ont découvert une périodicité d'environ 154 jours pour les éruptions solaires émettant des rayons gamma, au moins depuis le cycle solaire no 19. Cette périodicité a depuis été confirmée (et la période dénommée « période de Rieger »), et on en a détecté des harmoniques de résonance.

Classification

Les éruptions solaires sont classées en différentes catégories selon l'intensité maximale de leur flux énergétique (en watts par mètre carré, W/m2) dans la bande de rayonnement X de 1 à 8 ångströms au voisinage de la Terre (en général mesuré par l'un des satellites du programme GOES).

Les classes sont nommées A, B, C, M et X. Chaque classe correspond à une éruption solaire d'une intensité dix fois supérieure à la précédente, où la classe X correspond aux éruptions solaires ayant une intensité de 10−4 W/m2. Au sein d'une même classe, les éruptions solaires sont classées de 1 à 10 selon une échelle linéaire (ainsi, une éruption solaire de classe X2 est deux fois plus puissante qu'une éruption de classe X1, et quatre fois plus puissante qu'une éruption de classe M5). Ces sigles correspondent à la mesure de la puissance du rayonnement X, telle que déterminée par le système GOES.

Deux des plus puissantes éruptions solaires ont été enregistrées par les satellites du programme GOES le 16 août 1989 et le 2 avril 2001. Elles étaient de classe X20 (2 mW/m2). Elles ont cependant été surpassées par une éruption du 4 novembre 2003, la plus importante jamais enregistrée, estimée à X28.

La plus puissante des éruptions solaires observées au cours des cinq derniers siècles est probablement l'éruption solaire de 1859, fin août-début septembre, dont le point de départ fut observé entre autres par l'astronome britannique Richard Carrington. Cette éruption aurait laissé des traces dans les glaces du Groenland sous forme de nitrates et de béryllium 10, ce qui a permis d'en évaluer la puissance.

Risques induits

Les éruptions solaires peuvent provoquer des ondes de Moreton visibles depuis la surface de la Terre.

Outre la perturbation des transmissions radioélectriques terrestres, les éruptions solaires ont certaines conséquences néfastes :

Conséquences

Article connexe : Courants induits géomagnétiquement.

Les éruptions solaires peuvent avoir de graves incidences sur les systèmes technologiques, notamment les réseaux électriques.

En 774, un pic de carbone 14 observable dans les végétaux a pu être provoqué par une éruption solaire.

L'éruption solaire de 1859 a notamment produit de très nombreuses aurores polaires visibles jusque dans certaines régions tropicales et a fortement perturbé les télécommunications par télégraphe électrique.

Le 10 mars 1989, un puissant nuage de particules ionisées quitte le soleil en direction de la Terre à la suite d'une éruption solaire. Deux jours plus tard, les premières variations de tension sont observées sur le réseau de transport d'Hydro-Québec, dont les systèmes de protection se déclenchent le 13 mars à 02 h 44. Une panne générale plonge le Québec dans le noir pendant plus de neuf heures.

Entre le 19 octobre et le 7 novembre 2003, des orages magnétiques obligent les contrôleurs aériens à modifier le trajet de certains avions, causent des perturbations dans les communications satellitaires, provoquent une coupure de courant d'environ une heure en Suède et endommagent plusieurs transformateurs électriques en Afrique du Sud.

En janvier 2007, la NASA lance le projet Solar Shield pour étudier la survenue de possibles courants induits géomagnétiquement par une éruption solaire, et de tenter de les localiser, afin d'assister les compagnies productrices d'électricité dans la protection de leurs systèmes. Le 1er mars 2011, un projet similaire est initié au niveau européen : EURISGIC (European Risk from Geomagnetically Induced Currents).

Le 23 juillet 2014, la NASA annonce dans un communiqué que la Terre a échappé, le 23 juillet 2012, à une « gigantesque tempête solaire ». Une perturbation jamais vue depuis 1859 qui, si elle avait touché la Terre, aurait pu « renvoyer la civilisation contemporaine au XVIIIe siècle » car son impact aurait provoqué des dégâts d'une ampleur inédite, dont le coût dépasserait les 2 000 milliards de dollars à l'économie mondiale.

Éruptions majeures et éruptions géantes

Article détaillé : Liste de tempêtes solaires.

L'éruption solaire la plus puissante jamais observée est l'événement de Carrington de 1859, qui a provoqué des décharges électriques dans les lignes télégraphiques. Si une éruption d'une telle ampleur se produisait aujourd'hui, elle aurait de graves répercussions sur les réseaux électriques et les télécommunications. L'Académie nationale des sciences a estimé que le coût pour l'économie mondiale serait de 2 000 milliards de dollars. Une éruption d'intensité comparable s'est produite en 1921. La fréquence de tels événements pourrait être de 0,7 à 1,2 par siècle.

Éruptions géantes

La survenue vers 775 d'un orage magnétique 10 à 100 fois plus puissant que l'événement de Carrington (des milliers de fois plus qu'une éruption solaire ordinaire) est démontrée en 2012 par l'observation d'excès de carbone 14 dans les cernes d'arbres conservés dans les tourbières ou au sommet des montagnes. À cette époque, la fréquence de tels événements est estimée à 1 tous les 10 000 ans environ, mais en juillet 2021, deux autres événements au moins aussi puissants sont identifiés à partir des dépôts de béryllium 10 et de chlore 36 dans les carottes de glace et des excès de carbone 14, l'un survenu en -7176 (7176 av. J.-C.) et l'autre en -5259. Seuls 16 % de la durée de l'Holocène (les 12 000 dernières années) ayant fait l'objet d'investigations à ce sujet, le nombre des super éruptions solaires pourrait être bien plus élevé .

Notes et références

  1. Richard A. Lovett, « Et si la plus grande tempête solaire jamais enregistrée était à venir ? » (consulté le 18 juillet 2022).
  2. (en) Jeffrey W. Reep et Kalman J. Knizhnik, « What Determines the X-Ray Intensity and Duration of a Solar Flare? », The Astrophysical Journal, vol. 874, no 2,‎ 3 avril 2019, p. 157 (DOI 10.3847/1538-4357/ab0ae7, Bibcode 2019ApJ...874..157R, arXiv 1903.10564, lire en ligne).
  3. (en) Jeffrey W. Reep et Will T. Barnes, « Forecasting the Remaining Duration of an Ongoing Solar Flare », Space Weather (en), vol. 19, no 10,‎ octobre 2021 (DOI 10.1029/2021SW002754, Bibcode 2021SpWea..1902754R, arXiv 2103.03957, lire en ligne).
  4. « NOAA Space Weather Scales », NOAA/NWS Space Weather Prediction Center (consulté le 21 décembre 2023).
  5. (en) E. Rieger, G. H. Share, D. J. Forrest, G. Kanbach, C. Reppin et E. L. Chupp, « A 154-day periodicity in the occurrence of hard solar flares? », Nature, vol. 312, no 5995,‎ 1984, p. 623-625 (DOI 10.1038/312623a0).
  6. « The Most Powerful Solar Flares ever Recorded », sur spaceweather.com (consulté le 8 juillet 2023).
  7. New Scientist, 2005.
  8. IRSN (2017), Dossier "Radioprotection des travailleurs", voir p 12/24, magazine Repère n°32, mars 2017
  9. Severe Space Weather Events - Understanding Societal and Economic Impacts, National Academies Press, Space Studies Board, 2008.
  10. (en) Kate Becker, « Mystery cosmic event left its mark in 774 and 775 AD », sur Boulder Daily Camera, 14 juin 2012 (consulté le 20 décembre 2012)
  11. site d'Hydro-Québec
  12. (en) « Halloween Storms of 2003 Still the Scariest », sur NASA, Brian Dunbar (consulté le 10 septembre 2020).
  13. Solar Storm Threat Analysis, 2007, By James A. Marusek, Nuclear Physicist and Engineer, retired U. S. Department of Navy
  14. « Solar shield », sur nasa.gov via Wikiwix (consulté le 8 juillet 2023).
  15. « La Terre a échappé de justesse à une gigantesque tempête solaire en 2012 », sur Le Monde, 25 juillet 2014 (consulté le 25 juillet 2014)
  16. « La tempête solaire qui a failli renvoyer la Terre au 18e siècle », sur BFMTV, 25 juillet 2014 (consulté le 16 décembre 2023)
  17. Jonathan O'Callaghan, « La menace des éruptions solaires géantes », Pour la science, no 533,‎ mars 2022, p. 52-60.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes